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COMMUNE

lèses, il accorda notamment à profusion aux membres des corps municipaux des privilèges de noblesse, dont il se plaisait ainsi à rabaisser la valeur ; mais il s’appliqua à combattre partout l’esprit municipal aussi bien que l’espril féodal, à maintenir les villes sous une rigoureuse tutelle, et à y combattre l’organisation démocratique qui avait çà et là persisté depuis l’alliance des classes populaires avec la royauté. L'e>prii communal survécu) encore cependant à toutes ces atteintes ; la bourgeoisie et le peuple restèrent Ion-temps encore attachés a des formes, à des institutions locales, qui rappelaient d’anciennes libertés ; le génie centralisateur de Richelieu acheva par la main des intendants la ruine de tout ce qui avait pu rester aux villes des anciennes libellés communales.

Les destinées des villes ne furent pas les mêmes dans toute l’Europe. Si leur décadence en France commence à la tin du xni siècle, c’est au contraire au xi° siècle que celles de la Flandre et des Pays-Bas eurent le plus d’éclat et jouèrent le plus grand rôle politique. L’est vraiment leur âge bernique. Elles eurent alors une puissance et une richesse incomparables et furent maîtresses du commerce et de l’industrie de l’Europe. Elles subirent, comme les communes françaises, une révolution démocratique à laquelle est resté attaché le grand nom des Artevelde, mais elles n’y laissèrent pas comme elles leur indépendance. Au début du xv c siècle elles avaient atteint l’apogée de leur autonomie. Malgré les inégalités de classes, le peuple entier participait aux affaires, et leur puissance ni leurs richesses n’en avaient pas été diminuées. Mais le xv c siècle fut pour elles une époque d’épreuves et de revers. Les rivalités commerciales, les dissensions entre les communes, les agitations intérieures, les exposèrent aux atteintes du despotisme des ducs de Bourgogne qui ne cessèrent de lutter contre leur indépendance. D autres causes contribuèrent a leur décadence : la politique imprévoyante des ducs à l’égard de l’Angleterre, et l’ensablement des ports détruisirent le commerce et l’industrie ; le développement excessif du luxe, le nombre toujours croissant des impôts, la mauvaise administration financière et la dépopulation amenèrent la ruine des communes des Pays-Bas. Nous n’insisterons pas ici sur les communes anglaises : leur origine ne diffère guère de celles du continent, sinon en ceci que plus fréquemment peut-être qu’en Flandre ou en France, la commune fut une simple transformation de la gilde marchande. Mais raconter leurs destinées, ce serait raconter le développement des libertés anglaises : ce furent les communes qui fondèrent eu Angleterre le régime représentatif et la constitution elle-même.

L’histoire des communes italiennes est pendant longtemps l’histoire même de l’Italie. Villes grecques de la Pentapole, villes du duché de Rome, de l’exarchat de Ravenne, Venise, Gènes, Pise, Florence, villes de la Toscane, communes Lombardes, villes des marches d’Ivrée et de Frioul, d’un bout à l’autre de la péninsule, c’est un pays de villes. Ici encore l’histoire des origines ressemble par bien des côtés à celle de nos communes françaises ; c’est l’évolution qui a été complètement différente. Nulle part, on le sait, les destinées des villes n’ont été aussi brillantes : le commerce, l’industrie, les sciences, les lettres, les arts, la civilisation tout entière, en un mot, ont reçu dans leur sein l’impulsion la plus vigoureuse. Mêlées aux plus grandes luttes de l’histoire du moyen âge, elles résistèrent victorieusement au joug germanique et brisèrent le despotisme du saint empire romain. Mais en même temps fut rompue l’unité de l’ancien royaume d’Italie ; délivrées de tout lien avec l’autorité impériale, les villes italiennes furent livrées à l’influence de leurs factions et de leurs rivalités et devinrent la proie de tyrans locaux qui se firent plus tard reconnaître comme princes légitimes. De communes devenues républiques, elles se transformèrent ensuite en principautés, et si leur rang dans le monde, leur puissance, leur rôle politique, leur prospérité commerciale et artistique n’eu furent pas diminués, elles y perdirent cependant leurs franchises communales et toutes leurs libertés.

Les villes libres de l’Allemagne, qui s’étaient constituées comme les autres communes du continent au xu e siècle, eurent leur période de prospérité au xtv 9 et au xv c siècle. Kn formant soit entre elles, soit avec les paysans des campagnes, soit avec les seigneurs féodaux de leur voisinage, des confédérations, elles réussirent à maintenir beaucoup plus longtemps que les autres leur indépendance. Files aussi furent a un moment des centres de civilisation, eurent leur heure de prospérité commerciale et industrielle. Au xvi° siècle encore, elles conservaient leur puissance et leur autonomie, mais la décadence commençait ; la guerre de Trente ans acheva leur ruine, mais ne mit pas un terme à leur existence. Elles sont encore nommées dans les traités de Westphalie qui leur maintiennent la qualité d’Etats immédiatement soumis à l’empire. Au xvnr siècle encore, elles sont au nombre de cinquante et une et occupent deux bancs a la Diète, mais en tait, depuis deux siècles, elles n’ont cessé de déchoir et ont perdu toute influence politique. Surchargées de dettes, mal administrées, accablées sous le poids des impôts, dépeuplées, elles sonl remplacées comme foyers de la civilisation germanique parles villes nouvelles créées par les princes allemands pour leur servir de résidence. Il en faut excepter cependant les grandes villes commerciales de la Hanse et notamment Hambourg qui devait conserver jusqu’à nos jours son indépendance el sa prospérité. A. Giht.

II. Administration et législation. — Définition.

— Le mot commune n’est défini ni parla constitution ni par la loi municipale ; le législateur craignant, sans doute, de ne pas trouver une formule exacte, s’est contenté d’édicter des règles. La commune, en effet, se présente sous un double aspect, assez, complexe, selon qu’on la considère isolément ou comme partie intégrante de l’Etat : elle est, à la fois, une personne morale distincte, ayant désintérêts propres, et un des organes du pays. Aussi ï’a-t-on définie : « Une agrégation d’nabitants qui tient son existence comme partie intégrante de l’Etat, en même temps que ses droits propres, comme être moral et collectif, de l’institution municipale qui lui a été conférée en vertu de la loi» (Dict. Blanche) ; ou, plus clairement encore : « Une personne morale formée de l’agrégation des habitants de la circonscription élémentaire du territoire de la République délimitée par la loi et que la loi constitue tout à la fois comme organe de l’administration générale de l’Etat et comme gérante de ses intérêts privés, sous des conditions et des contrôles déterminés » (Rép. Héquet ).Ces deux définitions représentent la commune comme une création exclusive de la loi, c’est exagéré ; de tout temps, les hommes se sont groupés, unis par des liens naturels, et ont constitué des agglomérations ayant des intérêts communs : l’instinct de sociabilité, le besoin de s’entr’aider, de se défendre ont amené ces réunions que la loi n’a, le plus souvent, lait que reconnaître et réglementer. C’est ce fait qu’a exprimé Royer-CoIIard, en disant que la commune est, comme la famille, avant l’Etat, que la loi politique la trouve et ne la crée pas.

Nomhhe et population. — D’après le dernier dénombrement, fait en 1886, il existe en France 36,121 communes comprises dans les 86 départements et le territoire de Bellort. Chaque département en contient un nombre plus ou moins grand, depuis le dép. de la Seine, qui n’en a que 74, jusqu’à celui du Pas-de-Calais qui en compte 903. Le chiffre de la population est aussi très variable, suivant les communes : celle de Morteau, dans la Haute-Marne, n’a que 12 hab., tandis que Paris en possède plus de 2 millions. 11 vilLes ont plus de 100,000 hab., ce sont : Pans, Lyon, Marseille, Bordeaux, Lille, Toulouse, Nantes, Saint-Etienne, Le Havre, Rouen et Roubaix ; 99 villes en ont plus de 20,000 ; 234, plus de 10,000 ; 562, plus de 5,000. D’autre part, 17,000 communes environ, c.-à-d. plus de la moitié, ont moins de 500 hab. ; 768 n’en ont pas 100. 11 est très regrettable de voir tant de petites coin-