Page:Lamirault - La Grande encyclopédie, inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts, tome 11.djvu/1200

Cette page n’a pas encore été corrigée

— 1179 —

COMÉDIE

(l’œuvre comiques de tous les pays, mais n’ayant pu, malgré le talent de plusieurs de ses représentants, le faire grandir et le mener à son complet développement.

Avec la comédie nouvelle (fj ve’a xtopcoSta) s’ouvre la dernière période de l’art comique athénien, celle dont l’influence a été la plus durable ; et la plus étendue. Cette période commence à peu près avec le dernier quart du iv e siècle av. J.-C. pour finir au plus tard avec le commencement du 11 e siècle. Dès la fin du m e siècle, en effet, il y a déjà des années où aucune comédie nouvelle ne se produit devant le public, où il n’y a pas de concours. (V. Kohler, Mittheilungen des deutsch. Inst., 1878, pp. 129-130.) Pendant cette période les poètes ne manquèrent pas : l’antiquité en comptait soixante-quatre, parmi lesquels sept figuraient au canon des Alexandrins et leurs œuvres témoignent d’une fécondité toute particulière. Que nous en reste-t-il ? Des citations décousues comme pour la comédie moyenne, et qui deviennent de plus en plus rares à mesure que l’on approche de la fin ; puis les noms d’une trentaine de poètes, parmi lesquels Ménandre, Philémon, 3iphile, Apollodore de Caryste, furent les plus célèbres et éclipsèrent d’autres poètes qui ne manquaient pas de valeur, au dire des anciens, mais que nous ne connaissons guère, Philippides, Poseidippos, Anaxippos, Archedicos, Demophilos, Eudoxos, Sosicrates, Stephanos, Theognetos. Nous pouvons toutefois nous faire une idée assez précise de la comédie nouvelle ; en effet , outre des fragments assez nombreux et parfois relativement étendus, nous avons l’analyse ancienne de quelques pièces et surtout les imitations romaines de Plaute et de Térence. Pour la technique et les conditions extérieures, la comédie nouvelle ne diffère guère de la comédie moyenne. Cependant elle a en plus un prologue, mais non pas toujours, imité de celui d’Euripide. (V. Dziatzko, Jahresb. d. Luzerner Kanton-Sehule, 1867.) Les masques (V. ce mot) aussi paraissent avoir été plus nombreux et plus variés ; Pollux (Onom., IV, 143-1.">4) en compte quarante-quatre : dix pour les vieillards, dix pour les jeunes gens, sept pour les esclaves, trois pour les vieilles femmes, quatorze pour les jeunes filles. Pour la conduite de la pièce, il n’en va pas tout à fait de même. La comédie nouvelle s’attaque encore par des médisances ou des calomnies aux hommes publics, mais le plus souvent ces calomnies et ces médisances n’ont aucune portée, et c’est tout à fait exceptionnellement et sous l’influence des circonstances qu’elle met en scène un personnage connu, comme le fit Epinicos pour Stratocles dans son Mvr ( oniT(JXepioî, ou qu’avec Archedicos (V. Polybe XII, 13) elle renouvelle les odieuses inculpations de l’ancienne comédie. Ces allusions politiques ne sont pas le seul point par lequel la comédie nouvelle se rattache à la comédie moyenne ; elle a conservé aussi le goût des plaisanteries plus ou moins spirituelles et plus ou moins justes sur les philosophes et sur les cuisiniers ; elle a repris les personnages mis en scène à l’époque antérieure, le parasite, en particulier, et le matamore. Mais si elle a plusieurs traits communs avec la comédie moyenne, même avec la comédie ancienne, elle en diffère cependant beaucoup et en des points essentiels. Ce qui la caractérise en effet, ce n’est pas d’avoir varié les types existants en inventant, par exemple, le cuisinier grammairien, ce n’est pas même d’avoir singulièrement allongé la liste (V. Apulée, Florides, XVI) des personnages typiques mis sur la scène : c’est d’avoir perfectionné l’intrigue, de l’avoir même créée dans une certaine mesure et, s’inspirant d’Euripide, d’avoir transporté dans la comédie les mœurs et les liassions réservées jusqu’alors à la tragédie, d’avoir ainsi donné à la comédie l’intérêt qui lui avait manqué, d’avoir fait de l’amour (Ovide, Tristes, II, i, 369) un des ressorts principaux de la peinture des mœurs, le but avoué du drame comique. Sans doute, ces éléments si nouveaux ne se trouvent pas tous à un degré égal chez tous les noètes de la nouvelle comédie ; ils fout môme parfois complètement défaut, mais, qu’ils soient épars dans certaines œuvres ou réunis dans certaines autres, ils n’en existent pas moins et ils seront désormais utilisés par tous les comiques de tous les pays et de tous les temps. La comédie attique sous ses trois formes n’avait pas uniquement régné dans le monde grec. On a vu qu’en Sicile, après Epicharme, Sophron avait introduit le mime, et le mime sans doute lui survécut ainsi qu’à Xénarque ; de plus avec Rhinton (V. ce nom), peut-être même avant lui, il y eut sous divers noms et affectant diverses formes une comédie qu’on appelle ordinairement comédie italiote. 11 ne nous reste de cette comédie que quelques noms, ceux de Rlœsos, de Skiros, de Sopater avec les titres de quelques-unes de leurs pièces, puis des appellations de genres comiques : la tragi-comc’die, parodie de sujets tragiques, et la magodie, espèce de parade ou de farce burlesque. Mais rien ne nous permet de formuler un jugement sur ces variétés de la comédie, de nous en taire même une idée à peu près exacte. Nous en sommes réduits également à une ignorance presque absolue sur le mime grec (V. ce mot), qui fleurit cependant assez longtemps en Sicile et dans l’Italie méridionale. Cette absence de renseignements ne doit pas cependant trop nous peiner : ces productions comiques, de quelque genre qu’elles fussent, n’eurent guère d’influence, sinon peut-être sur le théâtre romain, et cette influence, en tout cas, ne fut pas durable : elle périt vraisemblablement avec elles. La comédie nouvelle, au contraire, après même qu’elle eut cessé d’être féconde, ne cessa pas de vivre, représentée dans toutes les villes de langue grecque, ou lue par les lettrés ; grâce aux adaptations qu’en firent les poètes romains, elle prit place dans la littérature universelle et elle y prit une place qu’elle ne devait jamais perdre. S. Dosson.

Rome. — La comédie à Rome eut des destinées infiniment moins brillantes que n’en eut la comédie grecque. Les Romains, cependant, aussi bien que les Crées, aussi bien que les autres peuples italiques et que les Italiens d’aujourd’hui, avaient des dispositions naturelles, un goût inné pour l’art dramatique et en particulier pour l’art comique. Ils avaient, on ne saurait le méconnaître, le don de saisir les ridicules et un penchant très prononcé pour la caricature et les personnalités. Virgile (Géorg., II, 385- 396 ; V. Hor., Ep., II, i, 139 et suiv.) nous a dépeint ces fêtes rustiques pendant lesquelles les paysans, le visage couvert d’un masque d’écorce ou teint avec le suc de certaines plantes, s’amusaient à improviser, sur un mètre grossier, le mètre saturnien, des dialogues d’une gaieté railleuse et peu délicate. Ces premiers essais de la verve comique des Romains n’ont rien de littéraire et n’ont laissé aucune autre trace que les traditions un peu vagues sur les chants fescennins (V. ce mot). A cette même époque, s’il en fallait croire Ribbeck (Ces. d. Rom. Dichtung, I, p. 9) existait aussi la satura, chant railleur des bergers (V. Satire) ; la satura paraît toutefois, suivant l’opinion la plus répandue, appartenir à un période postérieure et dater de l’mtroduction à Rome d’artistes étrangers. Tite-Live, dans un passage très obscur, nous raconte, probablement d’après Varron (V. Tite-Live, VU, 2 ; 0. Jahn, Hermès, II, p. 225), qu’en 364 av. J.-C, 390 U. C, sévissait, depuis deux ans, à Rome, une peste contre laquelle ni les secours humains, ni les cérémonies expiatoires ordinaires n’avaient rien pu ; les Romains songèrent alors à ajouter des jeux scéniques aux cérémonies habituelles et ils firent à cet effet venir d’Etrurie des artistes qui représentèrent, avecaccompagnement de flûte, desdanses mimées et muettes. Ces représentations donnèrent aux Romains l’idée d’ajouter au dialogue fescennin un accompagnement mimique et musical et de créer une espèce de comédie à laquelle manquait encore cependant l’élément essentiel, l’intrigue. Cette comédie resta toujours à l’état d’ébauche et n’a laissé d’autre trace de son existence que la brève mention des historiens. Pendant cent vingt ans environ, c.-à-d. depuis la peste de 364 jusqu’à l’an 240 (390-514) elle végéta sans se développer. Comment cet embryon de comédie put-il