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COLPODE - COLPORTAGE

une localité sans eau, où le vent seul avait pu les apporter. En conséquence donc, on a toute chance qu’il s’en trouve dans une poignée de foin quelconque et ces êtres ont vite fait de pulluler dans la macération, où ils trouvent réalisées les meilleures conditions de développement. Le type de ce genre est le C. cuculhis Ehr. R. Moniez. _ COLPODELLA. Genre des Protozoaires-Flagellés, voisin des Astasia, établi par Cienkowski pour une Monade qu’il distingue des genres voisins par l’absence d’un état amoeboïde au cours de son évolution. La C. pugnax vit avec le Chlamydomonas pulvisculus, sur lequel elle se fixe et dont elle absorbe les parties protoplasmiques. Bienkowski a fait l’histoire complète de cet animal. R. Mz. COLPORTAGE. I. Histoire littéraire. — Commission de colportage. L’histoire du colportage serait assurément un des chapitres les plus curieux d’une histoire de la librairie française qui est encore à écrire, et l’on ne saurait ici qu’en donner une esquisse. Le colportage, c.-à-d. la vente à bas prix par des marchands forains de livres de lecture courante, est vraisemlablement aussi ancien que l’imprimerie elle— même, mais on ne peut suivre sa trace avec quelque certitude que lorsqu’il fut l’objet d’une réglementation administrative. Aux termes de l’arrêt du conseil du 8 févr. 1723, renouvelé d’une ordonnance de 1086 et confirmé par celui du 24 mars 1744, tout colporteur, choisi de préférence parmi les imprimeurs, libraires, fondeurs ou relieurs qui, par suite de pauvreté ou d’infirmité, ne pouvaient exercer leur profession, devait être présenté aux syndic et adjoints de la communauté, porter sur l’habit une plaque indicative, savoir lire et écrire et déclarer dans les trois jours leurs noms et demeures et leur changement d’adresses. Le nombre des colporteurs était fixé à cent vingt pour la ville de Paris. Ils n’étaient autorisés à crier et à vendre que les « édits, déclarations, ordonnances, arrêts et autres mandements de justice dont la publication aura été ordonnée, des almanachs, des tarifs et aussi de petits livres qui ne passeront pas huit feuilles, brochés et reliés à la corde , imprimés avec privilège ou permission par les seuls imprimeurs de Paris avec le nom du libraire, le tout à peine de prison, de confiscation et de peine corporelle selon l’exigence du cas ». Cette dernière clause reçut, on peut le croire, plus d’une fois son application et la liste serait longue des pauvres diables qui payèrent de leur liberté, de leur déshonneur et souvent même de leur vie une infraction plus ou moins grave à ce règlement draconien. Livrés au bon plaisir du lieutenant de police ou même encore de ses agents subalternes, ils auraient, selon le mot de Mercier, caché la Bible sous leur manteau si le magistrat s’était avisé de la défendre. Tous ne se montraient point, tant s’en faut, si timorés et beaucoup risquaient les galères pour introduire à domicile les produits de la « manufacture de Ferney » ou ceux des presses de Marc-Michel Rcy d’Amsterdam. Le seul des pamphlets de Chevrier qu’on lise encore et qu’il a précisément intitulé le Colporteur, met en scène un sieur Brochure qui conte à ses clients la chronique scandaleuse du grand monde, des lettres et du théâtre. Un rimailleur anonyme a placé dans la bouche d’un des membres de la corporation, les griefs du public contre V Encyclopédie et un écrivain sotadique du môme temps, Andréa de Nerciat, fait jouer dans un de ses romans à un effronté porte-balle un rôle pire encore. La Révolution fut, au début du moins, singulièrement favorable à l’industrie des colporteurs. L’arrêt du 5 juil. 1788, qui permettait à chacun d’exprimer son avis sur les futures réformes des Etats généraux et qui supprimait de fait les longues formalités de la censure, eut pour résultat immédiat d’encombrer chaque matin la Italie du colporteur des innombrables écrits éclos la veille ou dans la nuit. Ces licences durèrent peu. Les représentants de la Commune provisoire, qui siégeait à l’hôtel de ville, mirent promptement l’embargo sur les écrits qui leur déplaisaient ou sur ceux qui visaient directement le pouvoir royal. L’Orateur dupeuple de Martel (Frèron) e&YAmi du peuple de Marat provoquèrent notamment un grand nombre d’arrêtés restés pour la plupart sans effet. Le danger devint plus réel pour les colporteurs comme pour ceux qui les alimentaient lorsque la Convention eut promulgué le décret du 29 mars 1793 sur les écrits tendant à rétablir la royauté. Cette loi qui prononçait la peine de deux ans de fers contre les colporteurs s’ils refusaient de nommer les auteurs ou imprimeurs auxquels ils s’étaient fournis, fut aggravée encore par celle du 28 germinal an IV qui les retenait en prison jusqu’au jugement desdits auteurs ou imprimeurs. Il va sans dire que, sous l’Empire, leur situation fut pour le moins aussi précaire : la surveillance étroite et tracassière résultant du fameux décret du 5 févr. 1810 rendait leur commerce à peu près impossible. Les almanachs, les catéchismes, les eucologes, les cahiers de chansons, qui formaient l’une des branches les plus importantes de ce commerce, étaient passés au crible de l’observation la plus minutieuse et les allusions les plus détournées, particulièrement aux Bourbons, suffisaient à faire mettre le livre sous clé, sinon au pilori. La Restauration modifia le sens, mais non la sévérité des poursuites et ce ,fut au tour des publications de propagande bonapartiste ou libérale à expier la moindre velléité d’indépendance. Le gouvernement de Louis-Philippe , après avoir admis (art. 2 de la loi du 10 déc. 1830) que, pour exercer la profession d’afficheur, crieur, vendeur ou distributeur sur la voie publique d’écrits imprimés, lithographies, gravés ou manuscrits, il suffisait d’une simple déclaration, soumit les colporteurs à l’autorisation préalable de l’autorisation municipale (loi du 16 févr. 1834, art. 1 er ). Malgré ces entraves, le colportage prit à cette époque, si l’on en croit Arthur de laGuéronnière, une extension inconnue jusqu’alors. Ce publiciste évalue à 3,500 le nombre des industriels qui, divisés en brigades commandées chacune par un patron, répandirent dans les campagnes et même sur la frontière, jusqu’à neuf millions de brochures de toute sorte et préparèrent ainsi le mouvement réformiste, bonapartiste et socialiste de 1848.

L’Assemblée législative, issue de cette révolution, crut mettre un terme à la recrudescence des écrits qu’elle jugeait immoraux ou dangereux en votant, malgré les efforts de M. Jules Grévy, la loi du 27 juil. 1849. L’art. 6 de cette loi transférait non seulement au préfet do police, pour le dép. de la Seine, au préfet pour les autres départements, le droit d’accorder l’autorisation préalable réservé aux maires par la loi de 1834, mais elle laissait ces fonctionnaires libres de retirer, quand ils le voudraient, et sans en faire connaître le motif, l’autorisation donnée. De plus, en assimilant toute distribution de cette nature, quel (pie fût le distributeur, à un acte de colportage, elle transformait la simple remise d’un imprimé en une contravention : c’est ainsi que M. Ed. Rocher fut condamné à un mois de prison parce qu’on avait saisi dans sa voiture des exemplaires de la protestation des princes d’Orléans contre le décret de confiscation du 22 janv. 1832.

Le second empire, tout en usant des armes que la République lui avait fournies, renchérit encore sur ces mesures restrictives. La loi de 1849 visait le distributeur, mais ne prescrivait aucune mesure contre l’écrit. Deux circulaires de M. de Maurepas, alors ministre de la ’police générale (28 juil. et 12 sept. 1832), vinrent combler cette regrettable lacune. Désormais, chaque exemplaire d’un ouvrage quelconque, écrit ou gravure et dont la vente serait autorisée, devait être frappé d’un timbre bleu (remplacé en 1861 par un timbre sec) apposé par la direction de la librairie, après rapport et visa d’une commission spéciale et d’un timbre spécial à chaque préfecture (rouge). Celle commission, instituée le 30 nov. 1832 et rattachée, après la suppression du ministère de la police générale (21 juin 1853), au ministère de l’intérieur, n’a cessé de fonctionner qu’en 1870. Elle a consigné le résultat de ses séances hebdomadaires dans huit registres (quatre pour les procès-verbaux et quatre pour l’inscription des livres exclus