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BORNÉO

La partie centrale de l’Ile, peu connue, est formée par un réseau de chaines de montagnes qui rayonnent vers les côtes. Leur point culminant s’élève à une hauteur de 3,250 ni. Du centre de l’Ile sortent aussi les divers cours d’eau qui l’arrosent et dont les principaux sont le Barito, le Capouas, le Pontianak, le Sambas et le Soukadana. Plusieurs lacs complètent dans l’intérieur le système hydrographique de cette lie. Les principaux sont le Kinibalou et le Danao-Malayou. Le premier de ces lacs est le plus considérable de l’Océanie, actuellement connu. Les côtes de Bornéo oBrent en plusieurs endroits des poi ts spacieux et commodes, surtout les côtes du S. et de l’O. Quoique située en plein sous l’Equateur, les chaleurs y sont assez supportables, l’atmosphère étant constamment rafraîchie par les brises de mer et des montagnes ainsi que par les pluies fréquentes de novembre à mai. La température varie peu, elle oscille entre 28 et 35° centigrades. Les terres voisines des côtes sont très humides, marécageuses et par conséquent très malsaines, surtout pour les Européens qui n’évitent que rarement la dysenterie, les fièvres, la jaunisse et le choléra. Bornéo est riche en minéraux précieux et en diamants. Du côté de Landak on a trouvé un des plus gros diamants connus, il pèse brut 367 carats et appartient au radjah de Matan. Les mines d’or sont également nombreuses et abondantes dans presque toutes les parties de l’île, mais surtout dans l’Ouest. Les gisements sont presque à la surface du sol. L’exploitation de Montradock a produit jusqu’à 2,730 kilog. d’or par an. Des mines de cuivre, d’étain, de fer existent en différents endroits ; on y trouve aussi l’aimant naturel et l’antimoine.

Les productions naturelles sont également nombreuses et dénotent une grande fertilité du sol. On y voit d’immenses forêts, riches en bois d’ébénisterie et autres tels que bois de fer, teck, ébène, etc. Le muscadier, le sagoutier, le camphrier, la cannellier, le citronnier, le bambou et la canne à sucre abondent. On y récolte aussi des grains, du riz, des patates, de l’igname et du coton. Le règne animal n’est pas moins riche. On rencontre dans la partie N. de l’Ile : l’éléphant, le rhinocéros et le léopard ; le bœuf et le porc sauvages vivent dans les forêts ; de nombreuses espèces de singes et parmi elles l’orangoutang, peuplent toutes les parties de l’île jusqu’aux bords de la mer. On y trouve encore des cerfs en très grand nombre, des ours d’une petite espèce, le tapir, la salangane, l’abeille et le ver à soie. Sur les côtes on pêche la baleine, le cachalot, le phoque, plusieurs espèces de poissons, des crustacés et même l’huitre à perles. Bornéo fut découvert par les Portugais en 1518, ils s’y établirent, à Bandjir-Masin, en 1690, mais y furent remplacés par les Hollandais qui, déjà en 1643, avaient réussi à conclure un traité de commerce avec le souverain de Bandjir-Masin. Les Hollandais bâtirent un fort et établirent une lactorcrie à Tates, créèrent d’importantes relations commerciales avec la côte occidentale de Bornéo et parvinrent en 1780 à se faire céder une partie de l’Ile par le roi de Bantan. Enfin en 1823, ils fondèrent leur établissement de Pontianak, sur la côte 0., et s’emparèrent de territoires importants au S.-O. de l’Ile. Bornéo compte un grand nombre de petits Etats, les uns vassaux des Hollandais, les autres indépendants. Les possessions hollandaises forment deux résidences, celle de la côte 0., dont le chef-lieu est Pontianak, et celle de la côte S.-E. dont le chef-lieu est Bandjir-Masin. Les principaux Etats indépendants sont ceux de Brunei sur la côte N.-O., récemment colonisé par les Anglais, de Kotti sur la côte E. et les possessions du sultan de Soulou, qui s’étendent sur toute la partie N.-E. de l’Ile. II. Anthropologie et Ethnographie. — La plus gi ande partie de l’Ile de Bornéo est peuplée par les tribus plus ou moins sauvages appartenant à la race Indonésienne et connues aux Européens sous le nom collectif de Dayaks. Sur les deux millions d’habitants dont se compose GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — VIL

la population totale de Pile, il faut compter au moins 1,600,000 Dayaks. Les Malais, 330,000 environ, sont des immigrés de date récente ; ils n’occupent qu’une étroite bande de la côte ou les basses vallées de quelques rivières, et ne s’aventurent dans l’intérieur que dans l’O. de l’Ile. Parmi les autres immigrés, les Chinois seuls forment une partie appréciable de la population (40,000 hab. à peu près). Les Arabes que l’on rencontre dans les ports de mer sont 3,000 environ et le nombre à.’ Européens s’élève à peine à un millier.

1° Les Dayaks. — Le nom de Dayak est presque inconnu aux indigènes de Bornéo. On ne le rencontre, paraît-il, que dans le dialecte de quelques tribus de Seravak où il signifie « homme ». Les nombreuses tribus de l’Ile portent des noms différents, mais il n’y a aucun inconvénient d’appliquer le terme de Dayak à l’ensemble de ces tribus, car elles présentent toutes entre elles une analogie frappante, aussi bien au point de vue physique qu’au point de vue des mœurs et probablement du langage. C’est à peine si les Manketans, les l’ounans, les Olo-Ol ou Orang-Ot et les Ot-Danom des montagnes centrales de l’île et des hautes vallées du Redjang, du Mahakkam, du Barito et du Kapouas diffèrent par quelques traits de leurs frères de race, les Kadyans ou Kayans de l’O., les Bandjou ou Ngadjou et les Paré ou Pari du S.-E. ou des Segaï, les Terings et des Tidoungs de l’E. Plus près de la côte, le type est un peu altéré par les mélanges avec les Malais, surtout dans l’O. et le N.-O. de l’île. Au physique, les Dayaks sont de taille moyenne, bien proportionnés, assez forts, et rappellent parleurs traits la race caucasique. La couleur de leur peau varie du blanc jaunâtre au jaune brunâtre, sans atteindre cependant la couleur foncée des Malais de la côte. Les cheveux sont lisses, bouclés ou ondulés, toujours noirs ; la barbe et la moustache peu fournies. La tête est allongée, franchement dolichocéphale (sur 70 crânes connus, on compte 46 dolichocéphales et 10 mésocéphales). Cette dolichocéphalie de même que la hauteur excessive du crâne et la ligne du profil de ce dernier, qui monte verticalement au Iront, puis se courbe brusquement et se continue presque horizontal sur le sommet pour faire une nouvelle courbe en bas et en avant à l’occiput, constituent les traits caractéristiques du crâne dayak (Montano). La face est allongée, ovale ; l’œil est taillé en amande, largement ouvert et pas bridé comme chez les Malais. Le nez est droit, proéminent et souvent assez fin. Tous ces caractères rapprochent les Dayaks des autres Indonésiens et les différencient des Malais qui sont brachycéphales, ont le teint foncé, la face arrondie, l’œil souvent mongoloïde, le nez large, aplati, etc.

Au moral, les Dayaks sont en général plus intelligents que les Malais, honnêtes, nonchalants, paresseux, et fort hospitaliers dans les districts oii n’ont pas encore pénétré les Malais. Hommes et femmes s’adonnent volontiers à la boisson et cette circonstance, de même que la cohabitation de plusieurs familles dans une seule maison, contribue beaucoup à une certaine liberté dans les rapports entre les deux sexes. D’humeur batailleuse, les tribus Dayaks sont continuellement en guerre entre elles ; la chasse aux crânes, les embuscades, les destructions des villages, l’esclavage et les sacrifices humains, sont les conséquences naturelles de cet état de choses. L’anthropophagie n’a été signalée que dans deux tribus : les Tering de Koutci et les Djangkang de Sanggoou.

Pour tout vêtement, les hommes portent une large ceinture en écorce battue ou en étoffe, passée autour de la taille et entre les cuisses, et les femmes une courte jupe. Les armes principales sont le parany ou maudon, espèce de sabre rappelant le kriss malais, le sipet ou soumpitan (tube en bambou duquel on fait partir les flèches empoisonnées, en y souillant) et le bouclier en bois d’une forme spéciale (V. Bouclier). Le tatouage est répandu dans toutes les tribus, sauf les plus sauvages comme 28