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titution du Jury au moyen des préjugés politiques et nationaux du peuple. Le procès par Jury a été introduit dans le pays avec le restant de la loi Criminelle Anglaise. Pendant longtemps la composition du grand et du petit-jury fut réglée par le gouverneur, et ils étaient formés des habitants des villes, chefs-lieux des districts. On se plaignit que cela donnait une prépondérance indue aux Anglais dans les cités ; quoique, eu égard à la population, il n’est pas facile de concevoir comment ils pouvaient avoir plus qu’une part égale dans les jurys. Cependant en conséquence de ces plaintes, Sir James Kempt fit émaner un ordre, ordonnant aux shérifs de prendre les jurés non seulement des villes, mais des campagnes environnantes jusqu’à une distance de quinze lieues de tout côté. Un acte, communément appelé l’Acte du Jury de M. Viger, fut ensuite passé, étendant l’institution du Jury à toutes les parties des districts. Le choix des jurés de toute l’étendue de la jurisdiction des Cours est sans doute conforme aux principes de la loi anglaise. Ce même acte, adoptant aussi les autres dispositions de la loi anglaise, procurait un choix impartial des jurés. Mais en considérant les animosités et les rapports numériques des deux races, on voit que l’effet de cet acte était de donner toute prépondérance aux Français dans le Jury. Cet acte qui avait été passé pour un temps limité par l’assemblée, expira en 1836, et depuis, le conseil législatif a refusé de le renouveler. Depuis cette époque, il n’y a eu aucune loi du Jury quelconque. La composition du Jury a été entièrement entre les mains du gouvernement ; cependant l’on a donné aux shérifs des instructions privées de suivre en tout l’ordonnance de Sir J. Kempt ; et quoique cela ait été fait dans tous les cas, le public n’a eu aucune garantie que cela serait fait dans tous les cas. Les shérifs n’étaient sous aucun contrôle apparent ; le public savait qu’ils pourraient toujours former un Jury à leur guise quand il leur plairait, et supposait, comme une chose toute naturelle, que des officiers publics, tenant des places lucratives du gouvernement, seraient toujours prêts à mettre à effet les desseins pernicieux qu’on était toujours disposé à attribuer au gouvernement. Quand j’arrivai dans la province, le public attendait les procès des personnes concernées dans la dernière insurrection. D’un côté, les officiers de la couronne et les premiers officiers de la justice me dirent qu’il n’y avait aucun moyen de se procurer, par un choix impartial, des Jurys qui convaincraient les coupables, quelques clairs que fussent les témoignages, et d’un autre côté, l’on me donna à entendre que les prisonniers et leurs amis étaient tout naturellement anus l’impression qu’ils seraient jugés par des Jurys choisis ex-