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ce dernier fut indicté pour subornation de parjure, et le témoin en question, qui avait comparu en premier lieu fut amené pour prouver la fausseté de son premier témoignage, et qu’il avait été suborné par le dernier accusé. La preuve de subornation paraissait n’être supportée que par ce témoin, le jury différa d’opinion, une partie croyant la culpabilité de l’accusé suffisamment établie, et l’autre partie refusant de croire le témoignage donné par celui qui avait été produit pour prouver son propre parjure. Ceci était une différence d’opinion qui pouvait arriver dans tout corps de jurés ; mais comme toutes les parties étaient d’origine française, et comme il n’y avait rien dans cette affaire qui pût la faire considérer comme ayant aucun rapport à la politique, il paraîtra singulier, que le jury étant composé également de Français et d’Anglais, tous les Français furent d’un côté et les Anglais de l’autre. Après une longue discussion le jury vint en cour, et déclara qu’il était incapable de s’accorder ; et le Foreman ayant été informé qu’ils devaient s’accorder, répondit qu’ils étaient également divisés entre Français et Anglais et que par conséquent ils ne pouvaient s’accorder ; après avoir été renfermés pendant douze heures, ils furent déchargés sans rendre un verdict : ainsi dans un cas même où il n’y avait aucune question de parti ou d’origine, l’animosité des races paraît cependant s’être présentée comme une barrière insurmontable à l’administration impartiale de la justice.

Dans un tel état de sentiments, la marche du gouvernement civil est suspendue sans espérance. Il ne peut y avoir aucune confiance dans les institutions existantes ou de sûreté pour les personnes et les propriétés. On ne doit pas être surpris que cet état de choses ait détruit la tranquillité et le bonheur des familles, qu’il ait déprécié la valeur des propriétés et qu’il ait dû arrêter les améliorations et l’établissement du pays. La baisse alarmante dans la valeur des biens-fonds m’a été prouvée par quelques-uns des principaux propriétaires de la Province. La diminution continuelle et progressive des revenus, quoiqu’elle puisse être, jusqu’à un certain point, attribuée à d’autres causes, indique une diminution dans la richesse du pays. Le principal commerce d’exportation de la province, le commerce des bois, n’a pas souffert ; mais au lieu d’exporter du grain, la province est maintenant obligée d’en importer pour sa propre consommation. L’émigration qui pendant un temps a été si considérable, a grandement diminué. En 1832 le nombre des émigrés qui sont débarqués an port de Québec, se monte à 52 000, en 1837 il n’a été qu’un peu plus de 22 000, et en 1838 il ne s’est pas monté à 5000. Le manque de sûreté commence à se faire fortement sentir par les habitans loyaux des seigneuries, tellement que beaucoup d’entre eux sont forcés, par la crainte ou le besoin, d’abandonner leurs occupations, et de chercher un refuge dans les villes. Si cet état de choses continue, les capitalistes les plus entreprenants et les plus riches de la province seront en peu de temps chassés de dessus leurs propriétés acquises par leur industrie.

Il ne paraît pas non plus y avoir la plus petite chance de mettre fin aux animosités existantes pendant la présente génération. Les passi-