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collision entra l’Exécutif et la majorité française ; et, comme la population anglaise se rallia autour du gouvernement, dont elle épousa la cause, en prenant le titre de loyale, les causes des difficultés furent naturellement jugées plus simples qu’elles ne l’étaient ; l’étendue de la division qui existait, dans le Bas-Canada, le nombre et la nature des combattant rangés de chaque côté, et la cause irrémédiable des difficultés échappèrent à l’observation publique.

La tentative révolutionnaire du parti Français de mettre à effet ses vues politiques, par un appel aux armes, a eu l’effet de mettre aux prises dans une lutte armée ces deux races hostiles. Je ne m’arrêterai pas à décrire les tristes scènes qui ont eu lieu dans le cours de la contestation, où les passions haineuses se sont déchaînées sans entraves dans le cours de l’insurrection ou après sa suppression. Il est aisé de concevoir combien les maux, que j’ai décrits comme existants ci-devant, ont été aggravés par la guerre ; combien la terreur et la vengeance ont nourri dans chacune des deux populations une haine invétérée et irréconciliable pour l’autre, et pour les institutions du pays. La population française qui avait pendant quelque temps exercé un grand pouvoir et un pouvoir croissant par l’intermédiaire de l’assemblée, a vu toutes ses espérances inopinément réduites au néant. Sa force physique qu’elle avait prônée, mise à l’épreuve, a été reconnue inefficace. L’espérance de voir revivre son premier ascendant sous une constitution semblable à celle qui lui a été enlevée, a presque cessé d’exister. Privés de toute participation dans le gouvernement actuel de leur pays, les colons français rappellent en silence le souvenir de leurs compatriotes tombés, de leurs villages détruits, de leurs propriétés ruinées, de leur ascendant perdu et de leur nationalité humiliée. Ils attribuent ces maux au gouvernement et aux Anglais, et nourrissent contre le premier et les seconds une haine égale et éternelle. De leur côté les Anglais n’ont point oublié dans leur triomphe la terreur qui les saisit, lorsqu’ils se virent environnés d’une majorité en insurrection, et les incidens qui ont semblé seuls les sauver de l’entière domination de leurs antagonistes. Ils voient qu’ils ne sont encore qu’une minorité au milieu d’un peuple ennemi et organisé ; ils craignent constamment de secrètes conspirations et des desseins perfides ; et leur seul espoir de sûreté semble reposer sur le plan systématique de tenir les Français dans la consternation et dans l’impossibilité de remuer, et d’empêcher jamais une majorité de cette origine de dominer dans la législature de la province. Je décris en termes énergiques les sentimens qui m’ont semblé animer chaque portion de la population ; et le tableau que je trace ressemble si peu à l’état de chose avec lequel le peuple de ce pays est familier, que plusieurs croiront que tout ceci est l’œuvre de l’imagination ; mais je suis assuré que tous ceux qui ont vu l’état de la société en Canada durant l’année dernière, rendront témoignage, de l’exactitude et de la modération de la description que j’en ai fait. Je n’exagère pas plus la durée inévitable de ces animosités que leur intensité. Jamais la présente génération des Canadiens Français ne se soumettra avec loyauté à un gouvernement britannique ; jamais la population anglaise ne souffrira l’au-