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et d’amitié, et c’est ce qu’on regardait comme un exemple singulier de bonsens de la part du Monsieur auquel elle appartient. Au commencement de l’administration de Lord Aylmer, M. Papineau, Orateur de la Chambre d’Assemblée, invita sa Seigneurie chez lui. On comprit généralement que cela était donné comme une marque de confiance et de bon vouloir envers le Gouverneur, et de disposition à la conciliation. Ce dîner fut donné sur une grande échelle, et il y avait un grand nombre, et de ce nombre de convives comme j’en ai été informé par un Monsieur qui était présent, il n’y avait que lui et un autre d’Anglais, outre le Gouverneur et sa suite. En effet, la différence des usages chez les deux races rend presque impossibles les relations générales de société.

Un singulier exemple incompatibilité nationale tomba à ma connaissance, dans une tentative que je fis pour l’avancement d’une entreprise, dans laquelle on disait que les Français prenaient beaucoup d’intérêt. J’acceptai la charge de Président de la société d’Agriculture du District de Québec et j’assistai à l’exhibition qui précéda la distribution des prix. Je trouvai alors que les cultivateurs Français ne voulaient pas concourir même sur ce terrain neutre avec les Anglais. Il fut donné des prix distincts aux deux races, dans presque tous les départements ; et les concours au labourage nationaux se poursuivirent dans deux champs séparés et éloignés.

Tel étant leur commerce social, on ne doit pas s’attendre à ce que les animosités des deux races puissent souvent s’adoucir par la formation de connexions domestiques. Pendant la première période de la possession de la colonie par les Anglais, les alliances entre des personnes des deux races n’étaient nullement rares. Maintenant ces alliances sont très peu fréquentes, et encore n’ont-elles lieu que dans quelques familles françaises, qui par la politique et presque par la nationalité sont séparées de la masse de leurs concitoyens. Je pourrais rapporter une foule de légères particularités de la société canadienne pour démontrer ce sentiment général et invétéré de division entre les deux races ; mais rien, et cela sentira un peu le paradoxe, rien, dis-je, ne prouve mieux l’entière séparation des deux races, que le petit nombre, et l’absence presque entière, de rencontres personnelles entre les individus de l’une et de l’autre race. Les différents de ce genre n’ont lieu presque qu’entre les gens du peuple, et il est rare qu’ils dégénèrent en actes de violence. Quand aux autres classes, les fréquentations sociales sont si rétrécies, que les plus acharnés ou les plus susceptibles antagonistes ne se rencontrent jamais dans un même salon.