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émulation louable a dernièrement induit les Français à s’élancer dans une carrière ci-devant occupée par les Anglais, et à essayer de lutter de compétition avec eux dans le commerce, mais il est beaucoup à regretter que cet effort n’ait eu lieu que lorsque les animosités nationales avaient atteint leur plus haut degré d’irritation, et que la compétition ait été conduite de manière à augmenter les jalousies pré existantes. L’établissement de la Banque du Peuple par des Capitalistes Français est un événement que l’on peut regarder comme un indice satisfaisant du réveil de l’énergie commerciale de la population française, et c’est pourquoi il est beaucoup à regretter que le succès de cette nouvelle entreprise ait été uniformément propagé au moyen d’appels directes et illibéraux à des sentiments de races et de nationalités. Des Canadiens Français ont construit des bateaux à vapeur pour lutter contre le monopole dont une association combinée de Capitalistes Anglais avaient joui sur le Saint Laurent, et quoique petits et quelque peu confortables qu’ils fussent, ils ont été encouragés à cause de leur supériorité, sous les rapports essentiels de la sûreté et de la célérité ; mais l’on ne considérait pas que cela fut suffisant pour assurer leur succès ; des appels constants étaient faits aux sentiments nationaux de la population française, pour un encouragement exclusif de la ligne Française, et je me rappelle qu’un journal français annonçait avec satisfaction que le jour précédent, les bateaux à vapeur français de Québec et de La Prairie étaient arrivés à Montréal avec un grand nombre de passagers, tandis que les vaisseaux anglais n’en avaient que peu. D’un autre côté les Anglais en appelaient aux mêmes sentiments, et étaient dans l’habitude d’appliquer aux bateaux canadiens les épithètes de « Radicaux, » de « Rebelles » et de « Déloyaux. » L’introduction de cette espèce de favoritisme national dans cette ligne d’affaires a produit un effet particulièrement pernicieux, en ce qu’il a encore isolé les deux races dans les occasions peu nombreuse où ils avaient ci-devant coutume de se rencontrer. Il est rare qu’ils se réunissent ensemble dans les cafés des villes : les hôtels principaux sont exclusivement visités par des Anglais et des touristes étrangers ; tandis que les Français se voient d’ordinaire chez les uns et les autres, ou dans des maisons de pension où ils ne rencontrent que peu d’Anglais.

Leurs amusements non plus ne les mettent pas davantage en contact. Il n’a jamais existé de commerce social entre les deux races, si ce n’est chez les hautes classes, et il est maintenant presque détruit. Je n’ai entendu parler que d’une maison à Québec où les deux races se rencontraient sur un assez bon pied d’égalités