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faire mouvoir comme une seule masse dans quelque direction qu’ils jugeraient à propos la simple et docile population du pays. Le gouvernement en négligeant entièrement l’éducation a ainsi contribué, plus qu’aucune autre cause, à rendre ce peuple ingouvernable, et à investir l’agitateur du pouvoir dont il se sait contre les lois et la tranquillité publique.

Parmi ce peuple l’émigration a, ces dernières années, jeté une population anglaise présentant par des traits caractéristiques qui nous sont familiers, comme ceux de l’esprit d’entreprise qui anime une certaine classe de nos concitoyens. Des circonstances particulières, dès le commencement du régime colonial, exclurent les natifs canadiens du pourvoir, et mirent les emplois de confiance et de profit aux mains d’étrangers d’origine anglaise. La même classe de personnes remplit aussi les plus hautes fonctions judiciaires. Les fonctionnaires du gouvernement civil et les officiers de l’armée formèrent une espèce de classe privilégiée qui occupa le premier rang dans la société, et en exclut la portion la plus distinguée des canadiens d’origine française, de même qu’elle les écarta du gouvernement de leur propre pays. Ce n’est que depuis peu d’années, ainsi que l’ont affirmé des personnes qui connaissaient bien le pays, que cette société de fonctionnaires civils militaires a cessé de prendre envers la classe la plus distinguée des Canadiens, ce ton et ces airs exclusifs, plus révoltants pour un peuple remarquable par sa susceptibilité et sa politesse, que le monopole du pouvoir et du lucre ; et encore ce favoritisme national n’a t-il pris fin, qu’après que des plaintes fréquentes et des débats haineux ont eu allumé des passions que des concessions n’ont pu éteindre. Les races étaient devenues ennemies, quand une justice trop tardive a été obtenue par la force ; et même alors, le Gouvernement a trouvé moyen d’exercer son patronage envers les Canadiens, d’une manière presque aussi offensive pour eux que l’exclusion qui avait précédé.

Peu de temps après la conquête, une autre classe d’émigrés anglais commença à entrer dans la Province. La quantité immense des produits d’exportation attira au Canada les capitaux anglais, à quoi contribuèrent encore les avantages procurés au commerce par la facilité naturelle des communications intérieures. L’ancien commerce du pays fut conduit sur une plus grande et plus profitable échelle ; de nouvelles sources d’industrie furent exploitées. Les capitalistes anglais, d’habitudes régulières et actives, écartèrent des branches les plus lucratives de l’industrie leurs compétiteurs inactifs et insouciants de race française ; mais cependant on ne peut pas dire que, par rapport au commerce et aux manufactures du pays, les Anglais aient été un obstacle pour les anciens Colons ; puisqu’ils ont créé des occupations et des moyens de lucre inconnus jusqu’alors. Un petit nombre cependant des anciens colons ont souffert de la concurrence anglaise. Mais tous ont ressenti plus