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lequel il est mieux pourvu en plus hautes branches de l’éducation élémentaire, ou chez lequel cette éducation est réellement étendue dans une plus grande proportion eu égard à la population. La piété et la bienveillance des premiers possesseurs du pays fondèrent dans les séminaires qui existent dans différentes parties de la province, des institutions dont les fonds et l’activité sont depuis long-temps dirigés vers l’avancement de l’éducation. Ces corps ont établi des séminaires et des collèges dans les cités et sur d’autres points centraux. L’éducation donnée dans ces établissements ressemble beaucoup à celle qui est donnée dans les écoles publiques anglaises, quoiqu’elle soit un peu plus variée. Elle est entièrement entre les mains du Clergé catholique. Le nombre de pupilles dans ces établissements est estimé ensemble à environ un mille ; et ils renvoient chaque année, autant que j’ai pu m’en assurer, entre deux et trois cents jeunes gens ainsi instruits. Presque tous sont membres de la famille de quelque habitant, dont l’intelligence plus prompte que celle de ses frères ont induit son père ou le curé de la paroisse à le choisir pour l’envoyer au séminaire. Ces jeunes gens possédant un degré d’instruction incommensurablement supérieur à celui de leurs familles, ont naturellement de l’aversion pour ce qu’ils regardent comme descendant aux humbles occupations de leurs parents. Quelques-uns se mettent prêtres ; mais comme les professions militaires et navales sont fermées aux colons, la plus grande partie ne peuvent trouver de position convenable à l’idée qu’ils ont de leurs propres qualifications que dans les professions savantes d’avocat, notaire et chirurgien. Comme de là il résulte que ces professions sont grandement encombrées, de nous trouvons chaque village du Bas-Canada rempli de notaires et chirurgiens, avec peu de pratique pour occuper leur attention, et vivant parmi leurs propres familles, ou toujours au milieu de la même classe exactement. Ainsi les personnes qui ont le plus d’éducation dans chaque village appartiennent aux mêmes familles et au même rang primitif dans la société, que les habitants illettrés que j’ai décrits. Ils leur sont liés par tous les souvenirs de l’enfance, et les liens du sang. La plus parfaite égalité règne toujours dans leurs relations, et le supérieur en éducation n’est séparé par aucune barrière d’usage ou d’orgueil ou d’intérêts distincts, des paysans extrêmement ignorants dont il est environné. Il réunit donc les influences de connaissances supérieures et d’égalité sociale, et exerce sur la masse un pouvoir que ne possède, je crois, la classe instruite d’aucune portion du monde. C’est à ce singulier état de choses que j’attribue l’influence extraordinaire des démagogues canadiens. La population la plus ignorante partout investie de pouvoir politique est ainsi placée entre les mains d’un petit corps d’hommes instruits dans lesquels elle repose une confiance que pouvaient seules produire une telle connexion domestique et une telle communauté d’intérêts. Le gouvernement n’a jamais acquis ni cherché à acquérir de l’influence sur la masse des personnes par laquelle la population agricole est menée. Ses membres ont été jetés dans l’opposition par le système d’exclusion qui a long-temps régné dans la colonie, et c’est par leur agence que les meneurs de l’assemblée ont pu jusqu’à présent