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tentement tout ainsi grand parmi les Anglais. Dans l’état actuel de l’irritation des esprits, ceux-ci pourraient tolérer, pour un temps, aucun arrangement qui les ferait triompher sur les Français ; mais je me suis fort mépris sur leur caractère, s’ils enduraient longtemps un gouvernement dans lequel ils n’auraient aucune voix directe. On ne parviendrait pas non plus à étouffer leur jalousie en choisissant un conseil d’entre ceux qu’on supposerait avoir leur confiance. Il n’est pas aisé de savoir qui sont ceux qui possèdent réellement cette confiance ; et je pense que le plus sûr moyen de priver un homme d’influence serait de le traiter comme leur représentant, sans leur consentement.

L’expérience que nous avons eue d’un gouvernement irresponsable au peuple dans ces colonies ne nous donne pas droit de croire qu’un tel gouvernement y serait bien administré ; et les grandes réformes qui doivent être faites dans les institutions de la province, avant que le Bas-Canada puisse jamais être un pays bien réglé et florissant, ne peuvent s’opérer par aucune Législature, qui ne représenterait pas une grande masse d’opinion publique.

Mais la principale objection à aucun gouvernement absolu est qu’il doit être palpablement d’une nature temporaire ; qu’il n’y a aucune raison de croire que son influence, pendant le peu d’années qu’on en permettrait l’existence, laisserait le peuple du tout plus en état de se gouverner ; qu’au contraire, étant une institution temporaire, il manquerait de la stabilité qui est si nécessaire à un gouvernement dans des temps de troubles. Il y a tout lieu de croire qu’un gouvernement avouément irresponsable serait le plus faible qu’il serait possible d’imaginer. Chacun de ses actes serait discuté, non dans la colonie, mais en Angleterre sur des informations tout-à-fait incomplètes et inexactes, et courrait le risque d’être désavoué sans discussion. Les criailleries les plus violentes que pourraient élever des gens qui considéreraient ces actes d’après les idées Anglaises et constitutionnelles ou ceux qui voudraient par là promouvoir les fins sinistres de faction en Angleterre, seraient constamment dirigées contre eux. Ces conséquences seraient inévitables. Le peuple d’Angleterre n’est pas accoutumé à compter sur l’exercice honnête et discret du pouvoir absolu ; et s’il permet l’établissement du despotisme dans ses colonies, il se croit obligé, lorsqu’il est appelé à y porter son attention, de veiller ses actes avec vigilance. Le gouverneur et son conseil sentiraient cette responsabilité dans tous leurs actes ; à moins d’être des hommes d’une fermeté et d’une vigueur plus qu’ordinaires, ils modèleraient leur politique de manière seulement à éviter de donner des armes pour les combattre ; et leurs mesures montreraient l’incertitude et la faiblesse que produirait certainement un tel motif.

Quant à chacun de ces plans qui proposent de faire d’une minorité Anglaise une majorité électorale par le moyen de modes nouveaux et étranges de votes ou de divisions injustes du pays, je me bornerai à dire que, s’il faut que les Canadiens soient privés d’un gouvernement représentatif, il serait beaucoup mieux de le faire d’une manière franche et directe, que d’essayer d’établir un système permanent de gouvernement