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d’un peuple sans instruction et stationnaire. Ils ne furent pas non plus sans les vertus d’une vie simple et industrieuse, où sans celles que d’un commun accord on attribue à la nation dont ils sortent. Les tentatives qui dans les autres états de sociétés, conduisent aux offenses contre la propriété, et les passions qui poussent à la violence, étaient peu connues parmi eux. Ils sont doux et bienveillants, frugale, industrieux et honnêtes, très-sociables, gais et hospitaliers, et se distinguent par une courtoisie et une vraie politesse qui règnent dans toutes les classes de la société. La conquête n’a opéré chez-eux que bien peu de changement. Les classes plus élevées, et les habitants des villes ont adopté quelques usages et quelques sentiment anglais ; mais la négligence constante du gouvernement britannique laissa la masse du peuple sans aucune des institutions qui les auraient élevés en liberté et en civilisation. Il les a laissés sans éducation et sans les institutions du gouvernement local populaire (local self-government) qui auraient assimilé leur caractère et leurs habitudes, de la meilleure et de la plus facile manière, à ceux de l’empire dont ils devinrent partie. Ils sont restés une société vieille et stationnaire dans un monde nouveau et progressif. Ils ressemblent plutôt aux Français des provinces sous l’ancien régime.

Je ne puis passer sur ce sujet sans appeler une attention particulière à une particularité dans la condition sociale de ce peuple, dont à mon avis on n’a pas encore eu convenablement apprécier l’important rapport avec les troubles du Bas-Canada. Les circonstances d’un pays nouveau et inculte, l’opération des lois françaises sur l’hérédité, et l’absence de tout moyen d’accumulation par le commerce ou les manufactures, ont produit une égalité remarquable de fortunes et de conditions. Il n’y a que quelques familles seigneuriales qui possèdent de grandes propriétés, qui cependant ne sont pas souvent très-profitables ; la classe qui dépend uniquement du salaire journalier est très petite ; la masse de la population se compose des gens laborieux de la campagne, communément appelés habitants, et leurs parents sont engagés dans d’autres occupations. Il est impossible d’exagérer le manque d’éducation parmi les habitants ; il n’a jamais été pourvu à leur éducation, et ils sont presque universellement dénués des qualifications mêmes de la lecture et de l’écriture. Il est venu à ma connaissance que sur un grand nombre de petits garçons et filles assemblés à la porte de la maison d’école de St. Thomas, tous, à l’exception de trois, admirent, après informations prises, qu’ils ne savaient pas lire. Cependant les enfants de cette grande paroisse vont à l’école régulièrement, et font actuellement usage de livres. Ils tiennent leur catéchisme à la main comme s’ils lisaient, tandis qu’ils ne font qu’en répéter le contenu qu’ils savent par cœur. L’assertion commune, cependant, que toutes les classes de Canadiens sont également ignorantes, est parfaitement erronée ; car je ne connais aucun peuple chez