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pathie et plus de bienveillance envers la population française. Je ne pus donc croire que cette animosité n’était que celle qui subsiste entre une oligarchie officielle et un peuple : et encore, je fus amené à la conviction que la contestation, qui avait été représentée comme une dispute de classes, était de fait une querelle de races.

Quelque peu disposés que nous soyons à attribuer les maux d’un pays lié avec nous à une cause aussi fatale à sa tranquillité, et qui semble si difficile à faire disparaître, il ne faut pas une très longue ni très laborieuse considération de la position et du caractère relatifs de ces races pour nous convaincre de leur invincible hostilité l’une envers l’autre. Il est à peine possible de concevoir les descendants d’aucune des grandes nations européennes aussi différents les uns des autres en caractère et en humeur, plus totalement séparés les uns des autres par le langage, les lois et les manières de vivre, ou placées dans des circonstances plus propres à produire de la mésintelligence, de la jalousie, et de la haine réciproque. Pour concevoir l’incompatibilité des deux races en Canadas il ne suffit pas que nous nous représentions une société composée en proportions égales de Français et d’Anglais. Il faut considérer quelle toile de Français et d’Anglais sont ceux qui sont mis en contact, en quelles proportions ils se rencontrent.

Les institutions de France, pendant la colonisation du Canada, étaient, peut-être, plus que celles d’aucune autre nation européenne, propres à réprimer l’intelligence et la liberté dans la grande masse du peuple. Ces institutions suivirent le colon canadien à travers l’Atlantique. Le même despotisme central, mal organisé, stationnaire et répressif s’étendit sur lui.[1] Non-seulement on ne lui donna aucune voix dans le gouvernement de la province, ou dans le choix de ses gouvernants, mais il ne lui fut seulement pas permis de s’associer avec ses voisins pour la régie de ses affaires mu-

  1. Parmi le petit nombre de pétitions, excepté celle de simple félicitation, que je reçus des Canadiens Français, il y en avait trois ou quatre pour l’abolition et la commutation des tenures féodales. Mais la plus remarquable était une qui me fut présentée par les habitants du comté de Saguenay, et qui fut appuyée par M. Charles Drolet, ci-devant M. P. P. pour ce comté. Les pétitionnaires qui se représentaient comme souffrant d’un degré de détresse dont l’existence n’est que trop déplorablement certaine, demandaient qu’il leur fut permis de s’établir sur les terres incultes dans le haut du Saguenay. Ils exprimaient leur consentement à prendre des terres à aucunes conditions que la gouvernement proposerait, mais ils demandaient qu’elles ne fusent pas concédées dans la tenure féodale.