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ses capitaux dans le commerce dans l’un et l’autre paye, ou y exercer son métier. Ceci n’est cependant que l’étendue de ses privilèges. Son nom d’Anglais ne lui vaut que peu ou rien du tout. S’il est un Chirurgien licencié à Londres, il ne peut pas exercer sa profession dans le Canada, sans la licence d’un bureau d’examinateurs. S’il est Procureur, il faut qu’il lisse une cléricature de cinq années avant d’être admis à pratiquer. S’il est Avocat, il ne peut profiter de sa position, parce que, quoiqu’on lui permette de pratiquer au barreau, cette permission ne peut lui être d’aucun avantage dans un pays où sur dix procureurs, neuf d’entre eux sont aussi avocats. Aussi une personne qui a été admise au barreau d’Angleterre est forcée de faire une cléricature de trois années sous un avocat de province.

Par un acte passé dans la dernière Session on a mis des empêchements au placement des capitaux et à l’établissement de nouvelles Banques, ce qui a eu l’effet de conserver aux Banques du pays le monopole qu’elles possèdent et par l’influence desquelles l’on dit que la suprématie politique du parti est maintenue. D’après le système suivi relativement aux terres, un individu ne peut obtenir sa patente que lorsqu’il a payé le montant en entier de son acquisition, délai qui s’étend à quatre années si l’acquisition a été faite de la Couronne, et à dix si elle a été faite des terres du Clergé, et jusqu’alors l’acquéreur n’a pas le droit de voter. Dans quelques-uns des nouveaux États de l’Amérique au contraire, particulièrement dans l’Illinois, un individu peut pratiquer soit comme Chirurgien ou Avocat, presqu’aussitôt après son arrivée dans le pays et il obtient tous les privilèges d’un citoyen après six mois de résidence. Un Anglais est donc, dans le fait, moins étranger dans un pays étranger que dans celui qui fait partie de l’empire Britannique. Tels sont les avantages supérieurs que l’on a actuellement dans les États-Unis, qu’il n’y a pour un Anglais que le sentiment que dans un pays il est parmi un peuple de même origine, sous les mêmes lois, et dans une société dont les usages et les sentiments sont semblables à ceux auxquels il a été habitué, qui puisse l’induire à s’établir en Canada, en préférence aux États-Unis ; et si en Canada il est privé des droits qu’on lui accorde dans les États-Unis, quoiqu’étranger, on ne doit pas être surpris si dans bien des cas, il donne la préférence au pays dans lequel on le traite davantage comme un citoyen.

Il est possible qu’il ne soit que rarement arrivé qu’un Anglais ait laissé le Haut-Canada pour aller s’établir dans les États-Unis en conséquence des susdites raisons en particulier ; cependant l’état de la société et des sentiments qu’elle a fait naître, ont été une des principales causes de la grande étendue de la ré-émigration aux nouveaux États de l’Union. Ceci opère aussi, de manière à empêcher l’émigration d’Angleterre aux provinces, à retarder les progrès de la Colonie, et à priver la mère-patrie d’un des principaux avantages pour lesquels l’existence des Colonies est désirable, c’est à savoir le champ que cela laisse pour l’emploi de sa population et de sa richesse surabondantes. Cependant les Canadiens natifs, à quelque parti politique qu’ils appartiennent, paraissent être unanimes sur le désir de conserver ces privilèges exclusifs. Le système de