Page:Lambert - Le Mandarin.pdf/213

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

200
LE MANDARIN.

dans l’imagination de l’homme, dit l’économiste. La vraie beauté, c’est la beauté morale, et celle-là, Socrate nous l’a dévoilée.

— Socrate était laid, reprit Martial, et il est resté tel ! Pour moi la beauté est absolue, et je la trouve dans la forme.

— Nous sommes bien loin de la question d’économie.

— Ce sont les philosophes qui ont tué l’art en Grèce, répéta Martial. Socrate, je l’ai dit, était laid. Platon chasse les poètes de sa république, parce que ce sont des parasites. Voilà, il me semble, une question d’économie ! Mais voyez comme le plus grand des philosophes grecs révèle son ignorance. Il n’y a pas d’art possible sans les poètes : ce sont eux qui font les religions et les légendes ; ils précédent les peintres et les sculpteurs ; seuls, ils possèdent le feu sacré ; seuls, ils ont la puissance d’émouvoir les masses avec des fictions. Les poètes ! c’est le sourire de l’humanité, c’est la caste sacrée ; ce sont les grands prêtres de l’art, ce sont les dieux ! Salut, noble légion d’esprits lumineux