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JOURNAL D’UN BIBLIOPHILE

pour le perfectionner sur l’anglais. Bref, il voulait ce qu’un bon père peut souhaiter de mieux pour l’avancement de son fils. Quant au jeune garçon, il avait l’air vraiment d’un petit homme sage et par sa figure tranquille et par son raisonnement sensé.

Quinze jours après, je rendais visite à cet homme. L’accueil fut chaleureux et, après quelques propos échangés, l’ami se hâta de me faire part que son fils fréquentait le "Business College", puis m’introduisit dans la chambre de celui-ci pour me montrer un meuble magnifique : une armoire vitrée remplie de livres.

Le père avait été tellement charmé de ma collection de livres, qu’il avait décidé d’acheter une bibliothèque à son fils.

Hélas ! trois fois hélas ! Comme il ne savait ni A ni B, il croyait que n’importe quel livre pouvait garnir une bibliothèque. Tous ces volumes étaient des nullités de 10 à 25 sous, comme on en voit partout dans les devantures des magasins douteux.

Des nouvelles en anglais ou des romans du dernier goût, qui ne disent rien ou en disent trop, bons tout au plus à fausser les idées d’un jeune homme non prévenu.

Pour une fois, j’avais regret que ma collection eut été visitée par un ami et lui eut causé des dépenses considérables pour des futilités qui pouvaient être une cause de perdition pour son enfant.


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