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JOURNAL D’UN BIBLIOPHILE

« dénonçait les palinodies de l’Homme d’État trop opportuniste. Ce n’est donc pas dans une assemblée publique, à la gare Bonaventure ni ailleurs, que le grand polémiste a prononcé ce mot. M. Henri Bourassa a toujours aimé Laurier comme homme privé. Il s’est séparé de lui sur une question de principe, l’envoi des contingents en Afrique-Sud. Il a vu que le chef du parti libéral posait là un précédent qui mènerait le Canada à l’abîme. La suite des évènements l’a bien montré. Avec toutes ses grandes qualités, Laurier, en un certain sens, a été, pour notre pays d’origine, l’homme fatal ; il a manqué de caractère ; il a fléchi sur un point essentiel. C’est pourquoi le Canada, comme conséquence de son acte, a été englobé dans une politique impérialiste néfaste, où son autonomie a été pratiquement supprimée. Et ce pays, que son développement naturel eut dû acheminer vers plus d’indépendance, se trouve, après plus de trois siècles d’existence, pieds et mains liés à la remorque de l’Angleterre. Laurier a eu la loyauté de reconnaître son erreur capitale. Il y a deux ans, il disait à son ami M. Dubuc, le grand industriel de Chicoutimi : « MON CHER DUBUC, J’AI PERDU VINGT ANS DE MA VIE ! MA POLITIQUE DE CONCESSION AUX ANGLAIS A ABOUTI À LA FAILLITE. LES ANGLAIS DU CANADA SONT PLUS LOIN DE NOUS QUE JAMAIS. LE CANADA SERAIT BEAUCOUP PLUS AVANCÉ SI, AU LIEU DE CÉDER SUR LES PRINCIPES ESSENTIELS, JE ME FUSSE UNI À BOURAS-


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