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JOURNAL D’UN BIBLIOPHILE

Combien d’idées et de petits détails me revenaient à la mémoire à chaque volume touché.

Quelquefois, aussi, un volume à belle reliure me rappelait tel souvenir, comme le fait suivant :

Une dame m’avait vendu quelques volumes et parmi le nombre se trouvait un gros in-folio paré d’une reliure des plus attrayantes.

— Celui-là, me dit-elle, je ne le vends pas, je le garde comme parure sur ma table de salon.

J’y jetai les yeux. C’était un livre écrit par un auteur pornographe, écumeur de bas fonds et calomniateur de tout ce qu’il y a de plus noble et de plus élevé.

C’était tout ce qu’il pouvait y avoir de plus bête et de plus dégradant en fait de littérature.

— Vous me donneriez de l’argent pour l’emporter, dis-je, et je n’en voudrais pas. Vous-même, savez-vous bien ce que contient ce volume ?

— Je ne l’ai jamais lu, me répondit-elle, mais il a une si belle couverture.

Oui, c’était une bien belle reliure, mais son contenu, du venin empoisonné, enveloppé dans du satin.

Elle ne savait pas lire, mais, par crainte que, plus tard, ses jeunes enfants en vinssent à jeter les yeux sur ce livre, elle prit le volume devant moi, et,


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