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JOURNAL D’UN BIBLIOPHILE

comme je m’apprêtais à entrer à l’intérieur du logis, je m’arrêtai sur le seuil de la porte tout interdit.

Sur deux chaises, devant le poêle, était placée une grande boîte de deux pieds sur trois environ. Cette boîte était remplie de livres.

Tout près, le rond du poêle était ouvert et un feu pétillant d’aise sautillait, car je crois qu’il savourait d’avance la douceur de dévorer tant de vieux livres précieux.

Je lâchai un cri. À cet instant, Mme René retirait son bras de la boîte tenant à la main un livre, prête à le jeter au feu qui n’attendait que cela pour activer son appétit destructeur.

— Qu’est-ce qu’il y a donc ? dit-elle, en me regardant.

— Il y a, Mme René, que je croyais que vous étiez pour jeter ce volume au feu.

Elle éclata de rire et dit :

— Celui-là et tous ceux que vous voyez dans cette boîte.

— Voulez-vous me vendre cela, lui demandai-je ?

Elle me regarda d’un air surpris :

— Vous vendre cela, dit-elle : emportez la boîte, cela me débarrassera plus vite, car si je les brûlais, ce n’est pas pour le besoin de chauffer, il fait assez


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