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crapaud qui boite ? » Le vieillard pris au dépourvu par l’étrange proposition de l’enfant, fixe celui-ci avec des yeux remplis de surprise et dit : « Un crapaud qui boite, dis-tu, où donc as-tu vu cela, mon petit ? »

« Ici, tout près, derrière la maison, hier je lui ai attaché une patte bien serré avec une corde et ce matin je l’ai retrouvé, il boitait.

À ces paroles la figure du vieillard prit une teinte de tristesse et de sa voix tremblotante il reprit : « Mon petit, ne joue pas avec le venin empoissonné du malheur : va vite défaire l’attache et jette bien loin de toi cette saleté ! car il ne faut pas jouer avec l’engeance qui attire les pires malheurs. »

Sur ces derniers mots, le vieillard se retire, mais de ces lèvres tremblantes semblent sortir un murmure comme une prière de commisération et de pitié, sur sa figure se lit l’angoisse et l’effroi d’un événement tragique, un pressentiment d’un malheur inévitable.

Le vieillard avait-il raison de redouter un malheur ? Pourquoi s’empressait-il de s’éloigner de ce lieu, poursuivi d’une vision lamentable, en proférant des mots incompréhensibles ? On le sut plus tard et coïncidence curieuse, étrange, voici ce qui arriva le lendemain de cette rencontre.

Toute la nuit, le ciel avait déversé une pluie chaude et abondante, l’air avait été suffocant de chaleur, mais sur le matin, la pluie ayant cessé, le vent était venu mettre son brin et apporter une brise rafraîchissante pleine de soulagements. Le temps avait tourné au beau, le soleil s’était levé radieux et gai,