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deviné nom semblable. À la pensée qu’elle n’aurait jamais pu arriver à trouver ce nom, Madeleine sentait des frissons qui lui faisaient trembler de la tête aux pieds. Une nuit, au milieu d’une tempête d’éclairs et de tonnerre, le diable vint rapporter la laine sans éveiller l’attention autrement que par une certaine odeur de soufre brûlé qui, le matin, au réveil, caressa désagréablement les narines de la femme et du mari. Pierre partit à ses travaux, Madeleine vaquant aux soins du ménage en chantonnant sans cesse le refrain du diable, « le nom précieux » de Brigolet, afin de ne pas l’oublier.


La femme pour qui je file,
Si elle savait mon nom
Qu’elle serait heureuse mmmmmmm(Bis)
Brigolet, Brigolet mon nom mmmmm(Bis)


La pauvre Madeleine regrettait amèrement ce moment d’oubli, qui avait failli lui coûter le bonheur éternel. Le reste de l’année s’écoula donc sans trop d’inquiétude.

L’année et un jour écoulés, de bonne heure dans l’avant-midi, le diable se présenta sans cérémonie, en véritable conquérant, sûr de son fait, et somma Madeleine de lui dire son nom.

Madeleine commence par jouer l’étonnement : semblant se consulter, elle dit au cornu : Votre nom. vous me surprenez, je n’y pensais pas, attendez donc, c’est peut-être Lucifer lui-même que j’ai devant moi. Non, reprend le diable, mais un de ses nombreux serviteurs. Belzébuth, sans doute, non ce n’est pas cela.