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29 SEPTEMBRE.

On boit pour se soutenir. » Je lui dis un mot qui la fait rire : « Il ne se soutient pas du tout. » L’homme s’était levé, s’appuyant au mur : « Non, m’écriai-je, je ne peux pas voir ça, un citoyen ivre, sous la République ! » Il se redressa, et son émotion fut telle que son œil hébété redevint subitement intelligent ; il répéta plusieurs fois : « Sous la République… un citoyen… je ne me griserai plus ! »

J’ai porté du café noir tout préparé dans des litres aux deux cents blessés de l’asile Vandrezanne. Comme j’ai été remerciée ! J’ai demandé qu’on fît chauffer mon café, et je l’ai distribué, à chaque lit, en le sucrant bien, dans les gobelets à tisane. Le café est excellent pour les blessés, les médecins l’ordonnent. Je suis allée dans les salles des fiévreux, dans celles des petites véroles. J’ai peur de la petite vérole, c’est ma seule crainte ; mon cœur battait, je devais être pâle, car les sœurs, avec traîtrise, me retenaient là plus qu’ailleurs ; mais ce qu’elles font avec leurs croyances religieuses, je puis le faire aussi bien avec mes croyances philosophiques.