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sociale, représentent aussi le plus exactement les individualités phénoménales ; ou eu d’autres termes, ceux-là seront les meilleurs juges qui, en même temps qu’ils connaîtront la loi et lui obéiront, se mettront le mieux à la place de ceux qu’ils ont à juger.

Mais si la connaissance de la loi appartient à l’entendement, la compassion (souffrir, sentir avec) appartient au sentiment. La justice n’est donc pas seulement d’ordre intellectuel, elle est aussi d’ordre affectif. Pour juger son prochain, il ne faut pas seulement savoir abstraire, il faut aussi savoir aimer. Un juge qui ne serait pas susceptible d’attendrissement serait un juge détestable, presque un bourreau. Les hommes l’ont si bien compris, qu’ils n’ont jamais pu se faire l’idéal d’un juge implacable. Leurs divinités, même les plus barbares, ont toujours été accessibles à la pitié. De là, les prières, les conjurations, les sacrifices. Le fatum, le destin, la seule conception qui eût chez les Grecs et chez les Romains un caractère immuable, n’a jamais été personnifié. Il est resté en dehors de l’Olympe et privé d’adorateurs. C’est que la religion ne peut admettre que ce qui est vivant, et ne peut embrasser que des conceptions ayant les attributs de l’être.