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XVI

À MADAME VICTOR HUGO
souvenir de ses noces


Le jour où cet époux, comme un vendangeur ivre,
Dans son humble maison t’entraîna par la main,
Je m’assis à la table où Dieu vous menait vivre,
Et le vin de l’ivresse arrosa notre pain.

La nature servait cette amoureuse agape ;
Tout était miel et lait, fleurs, feuillages et fruits,
Et l’anneau nuptial s’échangeait sur la nappe,
Premier chaînon doré de la chaîne des nuits !

Psyché de cette cène où s’éveilla ton âme,
Tes yeux noirs regardaient avec étonnement,
Sur le front de l’époux tout transpercé de flamme,
Je ne sais quel rayon d’un plus pur élément :

C’était l’ardent brasier qui consume la vie,
Qui fait la flamme ailleurs, le charbon ici-bas !
Et tu te demandais, incertaine et ravie :
Est-ce une âme ? Est-ce un feu ?… Mais tu ne tremblais pas.