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vingt fois que le prêtre devait s'abstenir des luttes politiques, parce que Dieu était neutre dans nos partis, et que le prêtre, pour être à sa place, doit représenter la neutralité de Dieu. Au reste, si cet homme spirituel, actif et bon, avait le fanatisme de son opinion, il n'en avait pas les haines. Il aimait ses adversaires en Dieu, tout en les combattant en politique. Sa victoire n'eût été qu'une sainte et généreuse amnistie. Mais le rôle du prêtre moderne n'est ni de vaincre ni de pardonner; il est d'aimer et de servir. Depuis 1830 aussi, je ne voyais plus que rarement cet ancien ami de mes premiers vers. Nous nous aimions néanmoins à distance, et à travers des opinions politiques et religieuses très dissemblables. Tous ces dissentiments de la terre sont ensevelis dans la terre ; les âmes dépouillent ces costumes du pays et du temps en entrant au tombeau.


III

Le septième de ces recueillements s'adresse à une jeune fille poète des bords du Danube, qui, sachant mon retour d'Orient par la Turquie d'Europe, vint m'attendre au passage à Vienne, où je devais m'arrêter. La poésie est une véritable parenté entre les âmes. Cette jeune fille, accompagnée de sa mère, avait quitté sa résidence à cent lieues de Vienne, et avait passé deux mois dans cette capitale pour y adresser seulement un salut et un voeu d'heureux retour à un voyageur inconnu. Pendant les jours que je passai à Vienne, je la vis souvent, et je l'encou-