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Les siècles sont à toi, le monde est ta patrie.
Quand nous ne sommes plus, notre ombre a des autels
Où le juste avenir prépare à ton génie
Des honneurs immortels.

Ainsi l’aigle superbe au séjour du tonnerre
S’élance ; et, soutenant son vol audacieux,
Semble dire aux mortels : je suis né sur la terre,
Mais je vis dans les cieux.

Oui, la gloire t’attend ; mais arrête, et contemple
À quel prix on pénètre en ses parvis sacrés ;
Vois : l’infortune, assise à la porte du temple,
En garde les degrés.

Ici, c’est ce vieillard que l’ingrate Ionie
A vu de mers en mers promener ses malheurs :
Aveugle, il mendioit au prix de son génie
Un pain mouillé de pleurs.

Là, le Tasse, brûlé d’une flamme fatale,
Expiant dans les fers sa gloire et son amour,
Quand il va recueillir la palme triomphale,
Descend au noir séjour.