Page:Lamartine - Méditations poétiques (édition de 1820).djvu/49

Cette page n’a pas encore été corrigée

Lorsque du Créateur la parole féconde,
Dans une heure fatale, eut enfanté le monde
Des germes du chaos,
De son œuvre imparfaite il détourna sa face,
Et d’un pied dédaigneux le lançant dans l’espace,
Rentra dans son repos.


Va, dit-il, je te livre à ta propre misère ;
Trop indigne à mes yeux d’amour ou de colère,
Tu n’es rien devant moi.
Roule au gré du hasard dans les déserts du vide ;
Qu’à jamais loin de moi le destin soit ton guide,
Et le Malheur ton roi.


Il dit. Comme un vautour qui plonge sur sa proie,
Le Malheur, à ces mots, pousse, en signe de joie,
Un long gémissement ;
Et pressant l’univers dans sa serre cruelle,
Embrasse pour jamais de sa rage éternelle
L’éternel aliment.