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animaux dans cet enclos pour vivre en paix et en amitié autour de moi.

Moi. — Vous aimez tout cela ?

Lui. — Ah ! j’en aimerais bien d’autres, si j’en connaissais davantage. Je ne sais pas comment le bon Dieu m’a fait le cœur, monsieur, mais il est toujours plein et cependant toujours vide.

Moi. — Vous voulez dire qu’il est infini.

Lui. — Peut-être bien, monsieur, que ça veut dire ce que vous appelez comme ça. Quoi qu’il en soit, rien ne peut tout à fait le remplir. Le bon Dieu y jetterait des mondes pour me les faire aimer, que je crois qu’il y aurait encore de la place pour en tenir et pour en aimer d’autres. Ah ! de toutes les grâces que le bon Dieu nous a faites, surtout à nous autres pauvres hommes tout seuls, la plus grande est cette inclination à tout aimer. C’est comme une source chaude qui coule toujours du cœur, monsieur, et qui, après avoir arrosé ici, va arroser là, et qui ne s’arrête jamais de couler. C’est cette qualité du bon Dieu que les bonnes âmes appellent miséricorde, monsieur ! Miséricorde pour les affligés, pour les