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des feux de ver luisant contre la nuit ! Ça ne dit pas plus que rien, je le sens tout comme vous. Aussi, je ne m’y arrête’qu’une minute. Il n’y a qu’une chose qui me contente un peu, et elle est si bête, que je n’ose pas même vous la dire.

Moi. — Dites toujours, mon pauvre Claude ! nous n’avons pas plus d’esprit les uns que les autres devant l’impossible à concevoir et devant l’impossible à exprimer.

Lui. — Eh bien, monsieur, voilà. Je me couche en été, au milieu du jour, dans l’herbe ou dans le sable, sur le dos, les yeux à moitié fermés, tournés vers les rayons qui tombent du ciel sur mon visage ; il me pleut ainsi dans les yeux et dans l’âme, à travers les paupières, un éblouissement de rayons rosés comme ces feuilles d’églantier. Ça coule, ça illumine, ça réchauffe jusqu’au fond du cœur, comme si on était plongé dans un lac de lumière qui vous entrerait dans les membres, dans les veines et jusque dans l’esprit. Alors, monsieur, je me figure que ces rayons, ces éblouissements, ces chaleurs, c’est la mer de Dieu dans laquelle je nage,