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je le touche, si j’ose dire, de trop près, cœur à cœur, pour lui faire l’outrage et l’ingratitude de le croire méchant.

Mais pensez donc un peu ce que ce serait, monsieur ; moi, vil ver de terre, je serais bon et Dieu serait mauvais ? Le reflet serait de feu et le soleil serait de glace ! Vraiment, j’ai honte des camarades qui m’ont dit quelquefois ces niaiseries.

Moi. — Vous sentez donc en vous un amour immense et sensible du bon Dieu ?

Lui. — Hélas ! monsieur, pas tant que je voudrais et pas tant que je devrais. Je n’ai pas assez d’instruction pour comprendre les perfections de ce père invisible et pour me noyer l’esprit dans les profondeurs de ses bontés. Je vis tout bonnement comme une de ces pierres brutes et noires qui s’échauffent au soleil juste autant qu’il luit sur elles. Si j’étais un de ces miroirs que j’ai vus briller au fond des chambres de votre château, je m’échaufferais bien davantage, c’est-à-dire j’aimerais bien plus. L’amour doit être en proportion de l’esprit. Je suis un pauvre homme, je ne puis pas avoir les admirations d’un savant.