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À peine avais-je posé le pied sur cette herbe en fleur pour en faire le tour, qu’un étrange et inexplicable spectacle attira mon regard et suspendit mon pas commencé. À vingt ou trente enjambées de moi, trois gros blocs frustes de granit gris se dessinaient au sommet de la pelouse sur le bleu du ciel : l’un sortait de terre comme le tronçon debout d’un pilastre démoli ; l’autre était posé en travers et en équilibre sur ce tronçon ; le troisième, assis comme un dé au-dessus et au milieu du second bloc transversal, formait ainsi, soit hasard de la nature, soit intention du constructeur, une croix massive et surbaissée, dont les dimensions et la pesanteur semblaient dépasser les forces de l’homme. Une des branches de pierre de cette croix penchait à gauche d’une telle inclinaison, qu’elle semblait attester dans ce monument semi-druidique un jeu irrégulier et inhabile des éléments plutôt qu’une combinaison de la volonté. Était-ce cette croix sauvage qui avait attiré l’attention et groupé alentour les sept ou huit tombes de ces huttes ? Étaient-ce les habitants qui