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sabots contre mes souliers, sa tunique de toile contre ma veste, son manteau troué et sa besace vide contre mon chapeau. Cela fait, je lui donnai cinq sous pour aller me faire une commission soi-disant dans un village à huit lieues de la montagne, afin de l’éloigner pour deux ou trois jours des Huttes. Il partit content sans se douter de rien, la pauvre âme, et moi je m’enfonçai davantage sous les sapins, de peur d’être vu par quelque berger. Je mangeai des croûtes de pain que l’innocent avait laissées dans sa besace, et je bus dans le creux de ma main à une source que j’avais trouvée quand je gardais les chevreaux. J’attendis ainsi, en priant Dieu et en pensant à la maison, que la nuit bien noire eût enveloppé les sapins. Je mis les sabots de l’idiot sur le sentier, afin qu’il pût les retrouver à son retour, et je m’avançai nu-pieds et sans bruit vers les Huttes.

XV.

Le hasard voulut qu’en approchant de la maison, où je voyais briller une petite lumière, je fus rencontré par le chien qui revenait de chasser tout seul un