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voilà l’été, ils rapportent sur l’aire devant la maison les gerbes d’où pendent des pavots coupés, et qui sonnent comme des fils de laiton quand elles sont sèches et que le fléau tombe dessus. Denise, ma mère et ma sœur les foulent les pieds nus, pendant que mon pauvre frère écosse les pois tout seul dans un coin de la cour, de peur qu’il ne blesse quelqu’un avec son fléau. Voilà l’automne, ils battent les châtaigniers. Voilà l’hiver, ils se chauffent à la lueur du creusieu, à la chaleur des moutons dans l’écurie, en tillant le chanvre ou en cassant les noisettes pour faire l’huile. Mais combien sont-ils ? Ma mère y est elle encore ? Est-elle bien voûtée ? Ses mains, qui commençaient à maigrir, tremblent-elles ? Y a-t-il de nouveaux enfants autour des tabliers des femmes ou dans des berceaux au pied du lit ? Ah ! monsieur, je ne pouvais plus jamais m’arrêter, une fois que je me dessinais en idée toutes ces choses devant les yeux, et que je me faisais en moi-même toutes ces questions auxquelles je me répondais sans savoir, tantôt d’une manière, tantôt d’une autre. C’étaient comme des rêves réveillés, quoi !