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grand châtaignier, dont ses feux de berger dans son enfance avaient creusé le tronc et calciné les racines.

V.

Après avoir ramené insensiblement et par de longs et flexibles détours la conversation sur lui-même et sur sa vie passée : Eh bien ! Claude, lui dis-je, étiez-vous suffisamment heureux dans cette vie de dévouement à vos frères pendant votre tour de France, et ne pensiez-vous jamais qu’à soulager vos camarades, à Dieu et aux livres que le vieillard vous lisait sur ses perfections et sur votre destinée après cette existence ?

— Oh monsieur, me répondit-il, je pensais bien aussi trop souvent à autre chose, au pays, à la montagne, à ma mère, à mon frère, à ma petite sœur et à Denise. Plus j’essayais de chasser ces idées, qui me rendaient le marteau si lourd dans la main et le goût du pain si amer, plus elles me revenaient toujours malgré moi. Mes camarades se moquaient de moi en badinant et m’appelaient le songeur. — Dis donc, Claude ! me disaient-ils, est-ce