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III.

Il traçait avec distraction des lignes sur le sable avec une branche de noisetier qu’il tenait à la main. Il faisait rouler du pied des grains de sable ou de petits graviers dans l’eau, en paraissant écouter avec un certain charme le petit bruit de cloche plaintive que ces chutes faisaient rendre au bassin. Il appelait par son nom tantôt une chèvre, tantôt l’autre ; il sifflait son chien ; il suivait de l’œil le papillotement des rayons sur l’eau ; il s’accoudait tantôt sur un bras, tantôt sur l’autre ; il fermait et il rouvrait tour à tour sa lourde paupière, comme pour contenir ou pour laisser évaporer ses pensées. Il avait de longs intervalles pendant lesquels on ne l’entendait pas plus aspirer son souffle que s’il eût été mort, puis de longues et inépuisables respirations, comme s’il eût voulu épancher toute sa vie dans une haleine. On voyait qu’il y avait à la fois du calme et du mouvement dans cette âme, et qu’elle ressemblait à la mer, qui coupe ses majestueux silences par de majes-