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premiers sans leur vouloir du mal, et je croirai et j’adorerai avec les seconds.

C’est ainsi, monsieur, que dans ma bassesse je tâchais de me faire ma religion à moi même et de servir mon créateur de mes petits moyens, selon sa volonté.

Et c’est alors que je me dis : « Mais ça ne suffit pas de penser à lui et de le prier comme tu fais en te levant, en te couchant et en te reposant a midi, il faut encore lui montrer que tu es un fidèle ouvrier de sa maison, sur terre, que tu veux servir sans gage, rien que pour ton pain, et que ton gage, tu le donneras a ceux qui sont plus faibles, ou plus malades, ou plus nécessiteux que toi. » Et vous ne sauriez croire, monsieur, combien le Seigneur me payait ma journée dans mon cœur mieux que le bourgeois ou l’entrepreneur dans la bourse. Il me semblait que toute la monnaie que je ne prenais pas pour moi ou que je prenais pour la reporter le soir au blessé, au malade, à la femme, aux enfants, au père ou à la mère infirme des compagnons, ça formait toute la nuit dans mon oreille une bourse pleine d’argent et d’or, que le bon Dieu m’aurait versée lui-même dans la