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Moi. — Mais est-ce que personne ne vous parlait de ce Dieu que vous aimiez tant, et ne vous enseignait-on pas à l’adorer et à le servir dans telle ou telle croyance ?

Lui. — Non, monsieur ; il n’y avait pas d’églises ouvertes et de prêtres payés par la république en ce temps-là. Tout le monde croyait ce qu’il voulait ; on adorait le bon Dieu à sa fantaisie. Il y en avait même qui ne l’adoraient pas du tout, parce qu’ils disaient que les prêtres s’étaient entendus avec les rois ou les chefs pour les mettre dans leur parti, et pour posséder ainsi la terre en son nom. « Et quand ça serait, que je leur disais, est-ce une raison pour renier votre père, parce qu’on lui a donné un autre nom que le sien, ou parce qu’on aura fait un faux en son nom ? » Ces hommes, qu’on appelait des athées, me faisaient bien de la compassion, croyez-le. Il me semblait qu’ils étaient plus privés de vue dans leur âme que mon frère Gratien dans les yeux. Je les évitais tant que je pouvais et je priais pour eux en particulier, comme pour des créatures plus malheureuses que les autres. Au contraire, je me sentais attiré vers ceux qui avaient une religion,