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jeter de tes désirs, de tes peines, de tes espérances, sans crainte de ne pas retrouver une de tes respirations, une de tes gouttes de sueur, une de tes larmes car je rends tout, je suis le ciel de tout, le fond de tout, le bord de tout, je suis tout, et rien ne peut fuir de moi, excepté dans le néant, et le néant, c’est un mot des hommes bornés ! Il n’y a pas de néant ! je le remplis ! Mon vrai nom, c’est vie !

Et mille choses comme cela, monsieur, que j’écoutais et que je croyais un peu comprendre, bien qu’elles fussent tant au dessus de ma compréhension. Et, après que cette parole m’avait remué un moment comme le battant de la cloche remue l’air en y donnant un coup de marteau avant d’y répandre la musique de l’Angélus à travers les feuilles que cette musique fait frissonner en passant ; après, disais-je, monsieur, que cette parole m’avait remué un moment, elle répandait en moi une musique, une paix, une lumière, tellement qu’on aurait dit, tant je me sentais bien, qu’on avait descendu une étoile du ciel pour m’éclairer l’esprit en dedans, ou qu’une main avait accordé toutes les cordes de mon cœur, de ma tête et de mon corps, comme l’organiste accorde ses fils de laiton et ses tuyaux de manière que je deve-