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dans le chantier. Et pourtant j’avais un ami qui me consolait et qui me soutenait contre tout ! dit-il en levant imperceptiblement pour tout autre que pour moi ses yeux vers le soleil qui baissait.

— Vous me raconterez cela dimanche, lui dis-je en me levant pour redescendre, n’est-ce pas, Claude ? Vous m’en avez déjà assez dit pour m’attrister toute la semaine.

— Oh ! monsieur, il ne faut jamais être triste, reprit-il avec un sourire de contentement qui contrastait avec son récit, avec sa solitude et avec les tombes vertes éparses sous nos pas autour de lui. Il ne faut jamais être triste, car la tristesse enlève la force des bras ; et puis la vie est si peu de chose, que ça ne mérite pas seulement qu’on s’arrête pour pleurer dessus. Tout finit bien, allez, monsieur, soyez en sûr. Il ne s’agit que d’attendre son heure, ici-bas ou dans l’autre temps.

— Qu’appelez-vous l’autre temps ? lui dis-je.

— Celui qui ne finit pas, répondit-il.

Nous nous séparâmes comme deux amis qui se sont donné rendez-vous de l’œil en se disant adieu.