Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/211

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne jamais me marier, parce qu’une autre comme Denise pour moi, j’aurais bien fait dix fois le tour de France et de plus loin encore, sans jamais la rencontrer. Que voulez-vous ? quand même il y en aurait d’aussi avenante et de plus belle, ça n’était toujours pas elle. Nous étions deux grains de la même paille. Tous les autres grains de la gerbe peuvent bien être aussi bons ; mais il n’y a que ceux-là pourtant qui se rencontrent, qui s’ajustent et qui se connaissent sur l’épi. Denise de moins pour moi dans le monde, il n’y avait plus de femme. Toutes celles que je voyais passer les dimanches, allant aux danses ou aux églises, je disais : Ce n’est pas là Denise. Elle m’était restée dans les yeux comme un grain qui vous fait voir mille étoiles, mais qui aussi vous fait pleurer. Puisque tu as fait ce sacrifice au pauvre aveugle et à la paix de la maison, que je me disais, tu peux bien en faire d’autres toute ta vie ! Et en vérité, ce peu que je faisais maintenant pour le pauvre monde ne me coûtait rien. Quand on a donné le cœur qu’on a sous les côtes, qu’est-ce que c’est donc que de donner son bras ou sa main ?

Et encore que j’avais l’amitié de tout le monde, dans les chantiers, pour ma récompense.