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ges pareils à des troupes d’agneaux. Nous les regardions sans nous parler. Nous étions allés, sans nous en apercevoir, bien haut, bien haut, par-dessus ce rocher, jusqu’à l’endroit où la ravine à pic se creuse comme un puits entre les bords à pic de sable rouge, et où nous avions mis une haie d’épines sèches entre les troncs d’arbres pour empêcher les bêtes de tomber dedans. Denise était debout, adossée à un tronc blanc de foyard, et moi j’étais à six pas d’elle, debout aussi, enroulant des bras le tronc d’un jeune châtaignier et m’appuyant la tête contre l’écorce. Ce que nous pensions ainsi en repos devant notre terre et contre nos arbres, en face des étoiles et pouvant entendre nos cœurs pleins battre contre le bois, le vent le sait. De quoi nous parlions, un mot par quart d’heure, les feuilles seules le peuvent dire ; mais je sais bien que nous ne pensions pas à rentrer. Est-ce qu’on sent le temps, monsieur, quand le cœur s’est arrêté et qu’il ne dit plus l’heure par aucune peine ou par aucun désir ?