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rière. Car maintenant, avant qu’on entendît sonner midi au clocher de Saint-Point, elle prenait son panier de lattes de hêtre entrelacées, au fond duquel elle mettait une nappe de chanvre, et elle m’apportait elle-même toute seule mon pain, mon lait, mon beurre et mon sel à la carrière. Elle n’avait plus peur de se rencontrer ni même de rester en tête-à-tête avec moi maintenant dans le fond de la carrière ou dans le souterrain. Mais je ne voulais pas qu’elle y descendît, de peur qu’elle ne coupât ses beaux pieds nus sur les débris coupants de mes tailles. Dès que je l’entendais venir, je remontais au bord, je prenais le panier, et j’allais m’asseoir, pour manger ma provende, tout en haut de la carrière, sous le grand sapin dont les racines découvertes pendaient, le long du précipice, comme des serpents accrochés par leurs têtes aux branches et qui laissent ondoyer leurs queues. Alors elle tirait du panier ce qu’elle y avait mis ; elle étendait la nappe de grosse toile sur l’herbe, et elle restait là debout, adossée contre l’arbre à me regarder boire et manger. J’avais beau lui dire : — Asseyez-vous donc, Denise, et mangez un morceau avec moi. — Elle riait et elle disait : — Non. C’était bon quand nous ne nous parlions