Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Et pourtant, voyez un peu ce que c’est que l’homme, monsieur ; tout en frisson et tout en eau que j’étais, je me mis à siffler, pour me faire cœur, un air de danse, comme pour me dire à moi-même : Tu es plus fort que ton chagrin, et tu te moques de tout. Si on m’avait rencontré, on aurait dit : Voilà un garçon qui est bien content et qui va à la noce. Mais le bon Dieu aurait bien vu autre chose, allez, s’il avait ouvert mon pauvre cœur.

XIII.

Mais un bruit que j’entendis à quelques pas de mon sentier sur les feuilles mortes ne tarda pas à me couper mon sifflet, monsieur. Voilà que, juste à l’endroit que vous avez traversé ce matin, où tous les sentiers de la montagne se réunissent comme des ruisseaux dans un lac pour sortir du domaine des Huttes et pour franchir le grand ravin qui les arrête, là où il y a un gros tronc de châtaignier pourri, couché d’une rive d’un ravin à l’autre, et qui sert de pont pour sortir de chez nous, je vis quelque chose qui s’élevait du pied d’un arbre et qui avait l’air de me barrer le pont. Tiens, que je me dis, en