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IX

Il me semblait que Denise avait quelque chose contre moi. Quand j’entrais dans la maison, elle sortait pour aller à la fontaine ou à l’étable. Quand je lui parlais de bonne grâce, elle ne répondait que par oui et non, comme si elle avait été impatiente de se débarrasser de mon entretien. Quand je badinais le dimanche avec elle et avec mon frère, elle ne riait plus de bon cœur, ou bien elle riait du bout des lèvres, mais elle ne riait pas des yeux. Elle avait comme une pensée rien qu’à elle dans le fond du regard ; elle s’éloignait de quelques pas pour aller cueillir soi-disant des noisettes ou ramasser des pervenches le long du ravin. Au contraire, quand il n’y avait que ma petite sœur, mon frère et elle ensemble, je les entendais folâtrer et rire comme autrefois. Un jour que je lui demandai pourquoi elle était ainsi sérieuse et silencieuse avec moi, et si je lui avais fait quelque peine sans le savoir ; elle me dit que non, qu’elle m’aimait bien comme les autres, que c’étaient des idées que je me faisais, et puis elle me tourna le