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qu’on fît tous les états avec contentement. Ce qui m’a toujours retenu au mien, c’est qu’on le fait tout seul. On peut, sans que ça vous dérange, siffler, chanter, penser, rêver, prier le bon Dieu. L’ouvrage va toujours sous la main, pendant que le cœur et l’esprit vont de leur côté là où ils veulent. Voilà l’agrément de l’état de tailleur de pierres.

VII.

Ensuite, c’est un joli état pour l’oreille, monsieur. Quand je suis à genoux devant ma pierre bien équarrie et portée sur deux rouleaux de sapin qui m’aident à la remuer à ma fantaisie ; quand, dans un coin de la carrière, bien au soleil l’hiver, bien à l’ombre l’été, j’ôte ma veste et je retrousse mes manches de chemise ; que je prends le ciseau de ma main gauche, le maillet de ma main droite ; que je me mets à creuser ma rainure ou à arrondir ma moulure à petits coups égaux, comme l’eau qui tombe goutte à goutte, en sonnant, du haut de la source dans le bassin, il sort de ma pierre, si elle est bien franche, une musique perpétuelle qui endort le cœur