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la profondeur du ravin qui est au-dessous, de manière qu’après une couple d’années j’avais fini par vider toute l’ancienne carrière de ces déblais, qu’on disait entassés là depuis le temps d’un peuple qu’on appelle les Romains. Puis j’avais miné dessous avec le levier et avec la poudre ; vous auriez dit l’ouvrage des géants. Il y avait des assises comme des escaliers pour des jambes de deux toises, des voûtes, des grottes où je m’enfonçais, comme les mineurs dans leur mine de charbon, pour chercher des grains encore plus fins, des murailles de rochers entassés et abandonnés, hautes comme un rempart de ville. Le fond de la carrière, où je roulais mes pierres et où je les taillais, était si profond, quand on le regardait du haut des bruyères qui pendaient sur les bords, que si les bergers jetaient un caillou, il fallait un petit moment pour entendre remonter le bruit. Mon frère, ma petite sœur, ma mère et Denise venaient de temps en temps m’y voir travailler. Ils levaient toujours les bras et jetaient un cri d’étonnement en voyant quel ravage un seul homme, avec sa patience et son levier, avait fait dans les os de la montagne. Quelquefois aussi, quand le sentier était trop glissant pour les pas de mon frère, Denise ve-