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plus comment tu es faite, et, hormis ta voix et ta main douce, je ne connais rien de ton visage à présent. Je voudrais pourtant bien me le représenter. Aussi, vois-tu, ça me tourmente l’esprit, de ne pas te voir comme je t’entends car pour tout le reste ça m’est égal je le vois assez par tes yeux. »

Et alors, monsieur, pour badiner et pour le contrarier un moment en passant le temps Denise lui disait : « J’ai les cheveux rouges comme le poil de l’écureuil que nous avions pris sur le nid, dans la sapinette, quand j’étais enfant. J’ai les yeux pas plus grands que ces petites fleurs qui regardent sous l’herbe, dans les buissons ils sont gris et sombres comme l’eau du ravin quand elle est à l’ombre et que les feuilles mortes commencent à y tomber. J’ai la peau du visage toute marquée de taches de rousseur et toute brunie par le soleil. J’ai ceci, j’ai cela, et puis ceci et puis cela encore, » jusqu’à faire d’elle une laide image au pauvre garçon, en se mettant les mains sur les lèvres pour qu’il ne l’entendît pas sourire tout bas.

Mais lui disait : « Ça n’est pas possible, tu es une trompeuse ! Ta voix et la peau de tes mains ne disent