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commencent-ils à quitter les mères et à brouter la mousse tendre ? Dis-moi donc si le dernier chevreau a des taches noires des deux côtés des yeux comme sa mère en avait de mon temps, et s’il commence à peler l’écorce des jeunes saules avec ses cornes naissantes ? »

XIV.

Et Denise ne se lassait pas de répondre à tout cela oui et non, si et mais, et toujours avec bonne grâce dans la voix et dans le son des paroles, et d’y ajouter tous les petits détails de formes des objets, de lumière dans le ciel, de couleurs sur la montagne et de caractère des animaux qu’elle pensait pouvoir intéresser l’enfant. Et puis elle affectait d’avoir toujours besoin de lui pour toute chose, et de l’employer sans cesse à ceci ou à cela dans son ouvrage. Tantôt elle lui faisait tenir les chèvres par les cornes, pendant qu’elle les trayait ; tantôt les moutons couchés à terre, pendant qu’elle tondait leur laine ; tantôt les corbeilles sous les châtaigniers, pendant qu’elle ramassait les châtaignes tombées sous la gaule ou sous le vent ; tantôt sa pioche, son sarcloir et son râteau,