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pour traire les brebis et les chèvres, il sortait sur ses pas et il s’asseyait sur le banc de pierre, en face du soleil levant, que j’avais taillé, en m’amusant les dimanches, dans le bloc de roche grise à côté de la porte. Il lui disait : « Denise, qu’est-ce qu’on voit dans le ciel et dans la vallée ? Y a-t-il du brouillard sur les prés de Bourg-Villain ? Les fenêtres du château de Saint-Point sont-elles fermées sur le grand balcon ? Ou bien voit-on le monsieur qui marche dans les allées avec un livre dans la main, comme autrefois quand j’y voyais clair ? Y a-t-il des vaches blanches et grasses sur les vergers en pente, derrière les jardins ? Y a-t-il des nuées roses ou grises autour du soleil ? Y a-t-il bien des fumées bleues montant des toits des maisons et se dispersant sur les champs en herbe comme des volées de pigeons rabattus par le vent ? Les mauves et les bouillons-blancs sont-ils en fleur ? Les cerises sont-elles nouées sur les griottiers ? Les épines ont-elles neigé cette nuit sous les buissons ? Les noisetiers ont-ils leurs chatons velus comme le dos des chenilles vertes ? Le lilas a-t-il ouvert ses grappes suspendues et ses branches comme des raisins en fleur ? Les agneaux ont-ils toutes leurs dents et